Intervention de Frédérique Dumas

Séance en hémicycle du mercredi 22 janvier 2020 à 15h00
Haine sur internet — Article 3

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédérique Dumas :

Je remercie mes collègues pour leur soutien, acquis dès la première lecture.

Je voudrais quant à moi revenir sur le fond du sujet. « Le marché de l'attention, c'est la société de la fatigue », écrit Bruno Patino, auteur de La Civilisation du poisson rouge. « Nous devons passer d'une économie de la captation de l'attention à une économie qui régénère de l'attention. Celle-ci doit nous faire gagner du temps et créer du lien social », écrit Tristan Harris, co-créateur du Time Well Spent movement.

Afin d'être en mesure d'assurer cette liberté, il est nécessaire de pouvoir quitter librement les plateformes mondiales, qui hiérarchisent à des fins commerciales les contenus qu'elles diffusent, suivant le modèle de « l'économie de l'attention » – sans que cela implique de rompre les liens interpersonnels qu'ont tissés leurs utilisateurs.

Ce n'est pas la seule condition bien sûr, mais c'est une des conditions. Toutes les quarante secondes en moyenne, nous sommes sollicités par une nouvelle activité.

Notre attention est captée mais également manipulée à travers l'exploitation de nos biais cognitifs.

Si nous voulons passer au développement de comportements « digital éthiques », il faut y inciter les plateformes : il est fondamental de permettre le renforcement de toute forme d'automodération viable, comme c'est le cas sur de nombreux forums et plateformes à taille humaine, qui ont peuplé le web depuis ses débuts, et qui reposent sur une modération réalisée directement par leur communauté, impliquée et à ce stade généralement bénévole.

Le présent amendement vise à permettre aux utilisateurs de plateformes mondiales de migrer vers d'autres services équivalents mais décentralisés, tout en pouvant continuer d'échanger avec les utilisateurs d'autres plateformes.

C'est donc bien une liberté supplémentaire qui est proposée et qui redonne sa chance à chacun.

Cet objectif serait atteint si l'on obligeait les plateformes géantes qui hiérarchisent les contenus à des fins commerciales, telles que déjà définies en droit français, à devenir interopérables.

Madame la rapporteure, vous avez écrit dans l'exposé sommaire de votre amendement visant à supprimer la disposition adoptée par le Sénat que la question de l'interopérabilité méritait d'être traitée de façon plus globale et à l'échelon européen.

Vous estimez donc que les mesures inscrites à l'article 1er peuvent être adoptées au niveau français, mais que ce dispositif de nature structurante doit faire l'objet d'un traitement européen.

Nous sommes d'accord avec cette possibilité, cependant, persuadés que M. le secrétaire d'État va nous proposer plus tard un projet de loi systémique de régulation incluant cette mesure, nous trouvons dommage que vous ayez refusé de l'inscrire dans ce texte.

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