Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 15h00
Prise en compte des droits de l'enfant à l'assemblée nationale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

À la lecture de cette proposition de résolution, je vous avoue avoir eu l'impression d'un immense gâchis. Pour les auteurs du texte, il s'agit notamment de célébrer les trente ans de la convention internationale des droits de l'enfant adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989.

À cette occasion, nous aurions pu espérer au moins quelques annonces, non pas de principe, mais visant des mesures pratiques, effectives et, surtout, efficaces. Mais non ! On nous sert ici une résolution fourre-tout qui n'aura aucun effet concret sur les violences faites aux enfants. On ne peut pourtant pas dire qu'en France, ce ne soit pas un problème ! Vous rappelez vous-même que, dans notre pays, un enfant est tué dans le cercle intrafamilial tous les cinq jours, et que 73 000 cas de maltraitance sont signalés chaque année à la police nationale et à la gendarmerie. De plus, 70 000 enfants restent handicapés chaque année à la suite de violences et 53 % des décès pour maltraitance interviennent avant l'âge de quatre ans. Pour finir, un enfant est violé toutes les heures. Autant de chiffres accablants, à nous faire pleurer.

C'est pourquoi je regrette que, pour cette proposition de résolution, les parlementaires n'aient été sollicités que dans le cadre d'une discussion générale. Nous ne pourrons pas même amender le texte, quand il y aurait tellement matière à le faire ! Il est vrai que les droits des parlementaires n'ont jamais été votre tasse de thé.

Un exemple parmi d'autres : vous souhaitez que la prise en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant soit garantie et constitue le socle des politiques publiques. C'est louable, légitime, et devrait même être une évidence naturelle. Mais comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, quand vous vous apprêtez à voter une loi de bioéthique privant sciemment un enfant de son père ? Comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, quand, dans cette même loi de bioéthique, vous encouragez la formation de familles monoparentales, en autorisant l'accès des femmes seules à la procréation médicalement assistée – alors que, je vous le rappelle, près de quatre familles monoparentales sur dix vivent sous le seuil de pauvreté et que plus de 2,8 millions d'enfants sont en situation de pauvreté ?

Comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, quand vous vous apprêtez à dénier toute filiation vraisemblable à ces enfants, en tordant la réalité ? Comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, quand « géniteur » ou « génitrice », « père » ou « mère », « père adoptif » ou « mère adoptive » n'auront plus aucun sens, de votre faute, car vous aurez gommé la réalité ?

Comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, quand, pas plus tard que la semaine dernière, à l'occasion d'une question au Gouvernement de la députée Agnès Thill, vous avez refusé de faire de la protection des mineurs contre la pornographie la grande cause nationale de 2020 ? Comment garantirez-vous l'intérêt supérieur de l'enfant, enfin, quand on estime que, chaque année, en France, quelque 45 000 personnes téléchargent des images et des vidéos pédopornographiques ? Pire, certains ne s'arrêtent pas au téléchargement de vidéos monstrueuses : ils commandent eux-mêmes des viols d'enfants – oui, des viols d'enfants ! – , à l'autre bout du monde, pour y assister en direct sur internet. Cela donne envie de vomir ! Vous ne dites pas un mot de ce fléau, mais faites voter à la quasi unanimité une proposition de loi pour interdire aux parents de donner une tape sur la main de leur enfant qui commet une bêtise ou de le mettre au coin, suprême humiliation selon vous. Vous avez perdu tout sens du réel ! Vous mélangez tout ! Vous êtes tout simplement ailleurs.

Cette résolution qui enfonce des portes ouvertes – prendre en considération les droits de l'enfant dans les travaux législatifs, organiser un débat annuel sur les politiques publiques menées en faveur de l'enfance – sera vraisemblablement votée, probablement à l'unanimité. Mais pour quelle efficacité ? Si vous vouliez célébrer de façon réellement digne, et surtout efficace, le trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, ce n'est pas d'une résolution que nous aurions besoin, mais tout simplement de nous poser une question, une seule, à chaque fois que nous votons une loi : est-ce dans l'intérêt de nos enfants ? Cette question, malheureusement, vous l'oubliez souvent, trop souvent.

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