Intervention de Ugo Bernalicis

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 21h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Vous me répondrez tout à l'heure, madame la secrétaire d'État.

Une loi ambitieuse aurait donné les moyens de la recherche et de l'accompagnement des auteurs de violences pour prévenir la récidive. C'est un domaine dans lequel il faudrait poursuivre les efforts. La prévention de la récidive est souvent l'oubliée des réformes sur le sujet.

La proposition de loi ne comporte que des mesures d'ajustement répressif. C'est là que le bât blesse. C'est la critique majeure que nous formulons.

Nous en ajoutons une sur l'article 8, qui lève le secret médical sans le consentement des victimes afin d'autoriser les médecins à faire des signalements au procureur de la République. Cette modification législative n'est pas une bonne idée.

La confiance doit fonder la relation de la patiente à son médecin. Elle est le seul gage d'un suivi sincère et respectueux. Combien de femmes victimes de violences finiront par renoncer aux soins par crainte d'éventuelles conséquences et de possibles représailles ? Le sceau du secret professionnel n'est pas là par hasard : il est et doit rester le fondement de la protection des victimes.

Par ailleurs, l'article 226-14 du code pénal prévoit déjà la possibilité de lever le secret médical sans l'accord de la personne lorsque celle-ci n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique. Cette disposition nous paraît tout à fait suffisante. Nous refusons que par goût pour les effets d'annonce, vous en veniez à affaiblir davantage les victimes en étendant le champ de la levée du secret. Protéger ne signifiera jamais infantiliser.

Cette mesure laisse penser que le faible nombre de plaintes et de signalements est le principal enjeu de la lutte contre les violences sexuelles, ce qui est faux et démenti par le bilan des deux dernières années, au cours desquelles celui-ci a explosé. Il faudrait plutôt se pencher sur leur traitement. Redisons-le ici, 80 % des plaintes déposées pour violences conjugales sont classées sans suite. Plutôt que de forcer la parole des victimes, faisons en sorte d'entendre celles qui nous crient leur détresse.

En 1968, les femmes scandaient : « Ne me libère pas, je m'en charge ». Nous ne devons jamais perdre de vue que face à l'étendue des violences sexistes et sexuelles, la seule voie politique que nous devons emprunter est celle de l'émancipation. Les victimes de violences doivent être maîtresses des procédures engagées en leur nom pour être les actrices de leur propre libération.

Cette proposition de loi, malgré certaines avancées, souffre donc de graves manquements. L'absence de budget la condamne à tourner sans cesse autour du sujet sans l'attaquer frontalement. Cela revient à avancer toujours à petits pas, alors que le sujet exige de nous la plus grande urgence. Nous voterons cette proposition de loi, mais avec la colère et l'amertume que suscite le temps perdu.

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