Intervention de Cécile Untermaier

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 21h30
Protection des victimes de violences conjugales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Le Grenelle contre les violences conjugales, organisé par le Gouvernement le 3 septembre 2019, a été un moyen utile de sensibiliser l'ensemble de la société à cette situation des violences intrafamiliales.

La proposition de loi dont nous allons débattre fait suite à la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille – loi Pradié – , issue d'une journée d'initiative parlementaire du groupe Les Républicains, et vient compléter utilement un dispositif en s'attachant aux victimes des violences conjugales. Mais deux propositions de loi votées à un mois d'intervalle, et démontrant le consensus de notre assemblée sur des préoccupations voisines, ne facilite pas, reconnaissons-le, la lisibilité du travail du législateur et son appropriation par ceux à qui ce texte est destiné.

Rappelons enfin que la France a ratifié, en 2014, la Convention d'Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique. Le GREVIO – Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique – a rendu son premier rapport fin 2019. Celui-ci souligne que les lacunes qui perdurent en France sont en lien avec une société peinant à inscrire l'égalité des femmes et des hommes dans la réalité.

Cette proposition de loi apporte, après la loi Pradié, des avancées sur des notions très complexes qui auraient sans doute mérité une étude d'impact. Je ferai, à cet égard, quatre observations.

La première porte sur l'autorité parentale : on ne peut qu'être d'accord avec les dispositions prises pour protéger l'enfant. Faisant suite à la loi Pradié, les mesures qui visent à un examen automatique de l'autorité parentale en cas de violences conjugales ne font pas débat – sauf pour comprendre ce qui change avec le précédent texte. Il est clair que le juge doit avoir la main pour prendre les mesures adaptées à la situation.

En revanche, s'agissant du secret médical, objet de ma deuxième observation, les dispositions ne paraissent pas pertinentes au groupe des Socialistes et apparentés. Elles nous apparaissent au contraire précipitées. La levée du secret médical entraînerait en effet un risque de signalement contreproductif. Si les victimes savent que le médecin informera le procureur contre leur gré, elles n'auront plus confiance en lui et renonceront à prendre rendez-vous. Nous craignons sincèrement que le remède ne soit pire que le mal. L'appréciation du danger immédiat, même si la jurisprudence encadre cette notion, paraît trop incertaine pour fonder une procédure.

Il nous semble en revanche opportun d'insister sur l'accompagnement et l'orientation des victimes vers les réseaux d'acteurs et d'associations spécialisés. Le « je tairai les secrets qui me seront confiés » est un impératif déontologique ancien qui entre en cohérence avec la grande loi de 2002 relative aux droits des malades face à la toute-puissance médicale d'alors. Enfin, nous savons tous que la notion d'emprise et de péril figure dans la loi et permet au médecin d'agir en conscience.

Ma troisième observation porte sur la médiation. Il est admis que celle-ci ne constitue pas une procédure adaptée dans le cadre des violences conjugales. Pour cette raison, nous avions d'ailleurs déjà proposé d'écarter ce dispositif lors de l'examen du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Signalons aussi que l'article 48 de la convention d'Istanbul interdit, en ce qui concerne les violences faites aux femmes, les modes alternatifs de résolution des conflits obligatoires, y compris la médiation et la conciliation. Nous ne pouvons qu'approuver cette interdiction, même si elle est tardive.

Il convient, selon nous, que cette même réflexion s'applique à la composition pénale. Cette procédure implique en effet aussi une rencontre entre la victime et l'auteur des faits, que nous cherchons à éviter par tout moyen. La convention d'Istanbul, dans son article 56, dispose que les États doivent veiller à ce que les contacts entre les victimes et les auteurs d'infractions à l'intérieur des tribunaux, mais aussi dans les locaux des services répressifs, soient évités. Soyons donc cohérents et examinons la composition pénale au regard des violences conjugales.

S'agissant de l'aide juridictionnelle enfin, la proposition de loi me semble peu ambitieuse. Le rapport de mes collègues Philippe Gosselin et Naïma Moutchou sur ce sujet préconisait que cette aide soit accordée de droit et sans conditions de ressources pour les victimes de violences conjugales, et ce dès le dépôt de plainte. Le texte renvoie plutôt à un décret qui fixera la liste des procédures pour lesquelles l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle serait automatique. Nous ne pouvons qu'être déçus du renvoi au domaine réglementaire d'une liste qui pourra être modifiée à souhait. Le législateur a perdu la main sur ce point.

En conclusion, avec le respect sincère que je porte au travail de Mme la rapporteure, je précise que deux propositions de loi ne font pas une loi-cadre…

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