Intervention de Nicole Le Peih

Séance en hémicycle du mardi 28 janvier 2020 à 21h30
Protection des victimes de violences conjugales — Article 4

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaNicole Le Peih :

L'emprise est une notion absolument fondamentale pour comprendre les mécanismes à l'oeuvre dans les violences conjugales. Ces violences sont très spécifiques et fonctionnent selon un schéma particulier caractérisé notamment par ce phénomène d'emprise, par la volonté de discrétion quant à la vie du couple, par le poids des charges familiales et des conventions sociales, ou encore par la crainte des conséquences sur les enfants.

Il faut comprendre que les victimes sont enfermées dans ce cadre intime auquel il est difficile d'échapper : elles partagent ou ont partagé la vie de leur agresseur, elles ont un jour aimé l'auteur des violences et lui ont fait confiance, et c'est parfois encore le cas malgré tout. Il faut également comprendre que le fait de dénoncer les violences qu'elles subissent dans le cadre intime peut être pour elles synonyme de honte, de désapprobation, de suspicion.

En outre, en entamant cette démarche, elles prennent parfois le risque de faire voler en éclats leur équilibre personnel, familial et professionnel.

Tous ces aspects doivent être minutieusement pris en compte pour comprendre, soutenir et aider efficacement les victimes de violences conjugales.

Je considère que l'introduction du terme « emprise » dans notre code pénal est un pas immense, un pas de géant permettant de mieux prendre en compte la spécificité de ces violences.

Toutefois, nous devons être prudents dans la manière de manier et d'appréhender cette notion. Cette dernière n'a pas encore été définie uniformément par les professionnels de santé et des violences conjugales, même si je pense que nous pouvons retenir la définition proposée par le docteur Muriel Salmona, pour qui l'emprise est « un processus de colonisation psychique par le conjoint violent qui a pour conséquence d'annihiler [la] volonté » de la victime.

Or, alors que nous venons d'introduire ce concept dans notre droit, la présente proposition de loi parle de deux choses, de l'« emprise », sans autre précision, dans son article 8, et de l'« emprise manifeste » dans son article 5. Cela me semble une complication inutile qui risque de poser des problèmes d'interprétation et de lisibilité de la loi, outre que c'est un peu absurde : si l'on peut voir qu'il y a emprise, c'est qu'elle est manifeste.

Dans un objectif de simplification et d'efficacité dans la protection des victimes, le présent amendement propose donc de s'en tenir à la simple notion d'emprise sans la compliquer de qualificatifs sujets à des différences d'interprétation.

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