Intervention de Béatrice Descamps

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBéatrice Descamps, rapporteure :

Monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, Monsieur le ministre de la Culture, mes chers collègues. la Fondation du patrimoine est devenue un acteur incontournable de la protection du patrimoine en France. Elle a été créée par la loi en 1996 et dispose d'un statut dérogatoire au droit commun.

La Fondation peut octroyer un label à une opération de restauration d'un immeuble non protégé, qui permet aux propriétaires privés de bénéficier d'une déduction fiscale. Alors que la loi de 1996 n'avait pas fixé de limite à ce label, une instruction fiscale a, par la suite, défini strictement la nature du patrimoine éligible et les zones géographiques dans lesquelles il peut être labellisé : il s'agit d'immeubles dans les seuls sites patrimoniaux remarquables ou dans des communes rurales au sens de l'INSEE, c'est-à-dire de moins de 2 000 habitants. Or la ruralité ne se résume pas aux communes de moins de 2 000 habitants.

Par ailleurs, les missions de la Fondation se sont élargies progressivement, avec le lancement de souscriptions et de partenariats ou la gestion, depuis l'an dernier, des recettes du loto du patrimoine. L'élargissement de ces missions peut être vu positivement, tant les attentes en matière de protection du patrimoine sont nombreuses. Toutefois l'on peut craindre que la Fondation ne s'éloigne ainsi de ce qui constitue son coeur de métier, à savoir la protection du patrimoine non protégé.

La Cour des comptes a, quant à elle, préconisé une adaptation du label afin de mieux soutenir le patrimoine non protégé dans son ensemble. Elle a recommandé, dans son rapport de 2018, de modifier le périmètre d'application de ce label et de veiller à une meilleure répartition territoriale, dans l'objectif d'une plus grande équité.

Le texte que nous examinons aujourd'hui, qui est issu des travaux du Sénat, entend donner à la Fondation du patrimoine les moyens de mieux répondre à ses défis actuels. Il s'appuie très largement sur les recommandations de la Cour des comptes.

À cet égard, j'ai pu m'entretenir avec certains de ses représentants, qui reconnaissent la qualité du travail réalisé par la Fondation. Il est rare, on le sait, que la Cour se montre élogieuse : cela indique, s'il en était besoin, que la Fondation du patrimoine a bien joué son rôle de levier depuis sa création.

L'article 1er a pour objectif d'étendre le champ d'application du label afin que la Fondation dispose d'un outil adapté à la réalité des territoires ruraux et qu'elle se rapproche de sa mission historique : la préservation du petit patrimoine non protégé le plus caractéristique du monde rural.

Ce label « Fondation du patrimoine » est particulièrement important puisqu'après des années de démarrage difficile, la Fondation a connu un véritable essor en 2000, année à partir de laquelle elle a été autorisée à délivrer directement cet agrément fiscal. Pour mémoire, ce label peut être attribué aux propriétaires privés d'immeubles visibles depuis la voie publique, après avis favorable de l'unité départementale de l'architecture et du patrimoine (UDAP). Il ouvre à son bénéficiaire la possibilité de défiscaliser de l'impôt sur le revenu entre 50 et 100 % des travaux effectués. En sont exclus les immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ayant fait l'objet d'un agrément ministériel.

L'article 1er vise à étendre le champ d'application géographique du label aux communes de moins de 20 000 habitants.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat a supprimé toute condition géographique pour la labellisation des immeubles non habitables. Elle a également étendu le bénéfice du label aux immeubles non bâtis pour y intégrer les parcs et jardins. Pour éviter que la protection du petit patrimoine rural ne se retrouve marginalisée par l'extension du périmètre d'application du label, elle a adopté un amendement qui garantit qu'au moins la moitié des immeubles labellisés chaque année appartiendra au patrimoine rural.

Soucieuse et consciente de la nécessité de redynamiser ce label, je souscris pleinement aux modifications et aux précisions apportées par l'article 1er. Le fait d'inscrire le périmètre du label dans la loi est une manière de conforter la Fondation dans sa vocation principale. Aujourd'hui, si le code du patrimoine dispose que la Fondation peut attribuer un label au patrimoine non protégé et aux sites, les conditions de son octroi sont uniquement définies par le bulletin officiel des finances publiques. La proposition de loi change ces critères ; l'article 1er modifie le code du patrimoine pour expliciter le champ d'application du label, qui pourra être attribué aux immeubles situés dans les sites patrimoniaux remarquables, dans les sites protégés par le code de l'environnement et dans les zones rurales, bourgs et petites villes de moins de 20 000 habitants.

L'article 3 simplifie la gouvernance de la Fondation en réorganisant son conseil d'administration, afin de le rendre plus efficace. Il réforme sa composition et en réduit l'effectif pour faciliter l'organisation des débats et améliorer la prise de décision.

La commission de la culture du Sénat a adopté un amendement du Gouvernement ayant pour objet de rapprocher cette composition de celle des fondations reconnues d'utilité publique. La commission a néanmoins tenu à garantir la présence dans ce conseil d'un représentant des communes rurales, car elles sont intéressées au premier chef par la mission de la Fondation en matière d'identification, de conservation et de mise en valeur du patrimoine de proximité. Elle a par ailleurs maintenu la présence d'un représentant des associations nationales de sauvegarde, compte tenu de l'appui que ces dernières apportent à la Fondation dans les territoires.

Je suis favorable à la modification de la composition du conseil d'administration proposée par l'article 3, qui répond en outre aux recommandations formulées par la Cour des comptes.

Enfin, l'article 5 instaure un mécanisme spécifique de réaffectation des dons à un autre projet en cas de non-réalisation des travaux financés. Si je souscris à l'objectif de cet article, qui permettrait de récupérer une dizaine de millions d'euros, je constate néanmoins que sa solidité juridique semble très loin d'être acquise. Je n'y suis par conséquent pas favorable en l'état et je souhaite qu'il puisse être retravaillé afin que les dispositions qu'il comporte puissent s'insérer dans le cadre d'un autre véhicule législatif.

Je tiens à saluer l'efficience de la Fondation du patrimoine, qui a parfaitement joué son rôle de levier depuis sa création. Sa légitimité et sa force résident notamment dans la protection du petit patrimoine de proximité qui, sans cela, serait menacé. Le législateur doit veiller à consolider et à amplifier ce qui fait le coeur de métier de la Fondation et l'aider à exercer, à l'avenir, sa vocation dans les meilleures conditions possibles.

Ce texte conforte la mission de la Fondation en matière de protection du patrimoine de proximité ; c'est d'ailleurs dans ce domaine que la Fondation est la plus attendue et a un rôle majeur à jouer.

Le texte est en parfaite adéquation avec le programme de revitalisation des centres-bourgs : l'attribution d'un plus grand nombre de labels garantira une meilleure restauration du patrimoine. C'est devenu un enjeu de politique publique compte tenu du rôle qu'il peut jouer dans l'attractivité des territoires, leur développement économique, leur identité et leur cohésion sociale.

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