Intervention de Alexis Corbière

Réunion du mercredi 22 janvier 2020 à 9h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexis Corbière :

Au sein du groupe de La France Insoumise, nous sommes attachés à ce que l'éthique soit scrupuleusement respectée par l'ensemble de la représentation politique, à l'échelle tant locale que nationale. Les élections municipales seront d'ailleurs, nous l'espérons, l'occasion de travailler, dans certaines communes, à des avancées significatives pour mettre en oeuvre un contrôle citoyen réel et actif en dehors des périodes électorales. Il s'agit de faire en sorte que le citoyen ne soit pas dépossédé de son pouvoir et dispose d'outils efficaces pour faire respecter cette éthique. Je pense notamment à l'instauration d'une possibilité – encadrée – de révoquer des élus au cours de leur mandat. Les citoyens pourraient ainsi continuer à être actifs entre deux élections, et exercer un contrôle sur les élus qui ne respecteraient pas les règles d'éthique. Cette mesure, comme d'autres que nous proposons, vise à rendre un pouvoir pérenne aux citoyens sur celles et ceux qui ont l'honneur de les représenter. Nous sommes des mandataires du peuple et nous ne devons jamais en être détachés ; le peuple doit garder un pouvoir de rappel et de révocation, comme cela avait déjà été dit durant la Révolution française.

De grands progrès restent à accomplir pour faire régner cette éthique et mettre fin aux abus, quels qu'ils soient, qui décrédibilisent la représentation politique aux yeux de nos concitoyens. Tout ce qui transige avec l'éthique produit non seulement du déshonneur, mais aussi de la désertion dans les urnes. La question de la rémunération perçue par le personnel politique est essentielle.

À l'échelle locale, certaines indemnités perçues par les maires ou d'autres élus apparaissent bien souvent comme déconnectées de la situation financière moyenne de leurs administrés. Cela provoque de la méfiance et du mépris, et contribue à créer un fossé entre les citoyens et leurs représentants.

À l'échelle nationale, certaines situations sont peut-être encore plus déraisonnables. Le cumul d'indemnités pour des mandats ou des fonctions en cours avec des pensions de retraite aboutit parfois à des revenus mensuels exorbitants. Je ne citerai pas de cas individuels – il y en a beaucoup – car le problème n'est pas celui de telle ou telle personne, qu'il serait aisé de pointer du doigt ; il est celui d'un système qui permet une addition, sans fin, de traitements, de salaires, d'indemnités, de pensions, et parfois même d'avantages matériels mis à disposition par l'État.

Je me réjouis donc que la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui propose de poser certaines limites à ce système défaillant ou, en tout cas, insuffisamment ambitieux lorsqu'il s'agit de préserver l'éthique.

J'insiste sur la situation des élus car ils se doivent à mon avis d'être exemplaires. Mais un encadrement du cumul des revenus doit – vous avez raison de le souligner – s'appliquer également à celles et ceux qui sont amenés à exercer les hautes fonctions de la République.

Votre proposition, qui consiste à instaurer un plafonnement des rémunérations à hauteur des indemnités allouées au Président de la République, ne nous paraît cependant pas suffisamment ambitieuse. En effet, le Président de la République peut lui-même fixer sa rémunération par décret, et donc moduler son montant pour modifier le plafonnement dont il est ici question. Qui plus est, cela revient à mettre en place un système pyramidal dans lequel le Président se trouverait au sommet, sans que rien ne puisse le dépasser. Cette conception nous paraît tout à fait arbitraire et non conforme à notre histoire républicaine. Pourquoi ne pas imaginer que tous les élus, députés, ministres et Président, aient la même rémunération ? Après tout, notre emploi du temps est au moins aussi chargé que celui d'un ministre ou du Président de la République. Cette conception patronale, dans laquelle personne ne doit gagner autant que le patron, ne correspond de mon point de vue à aucune éthique républicaine. La République doit garantir notre indépendance matérielle et notre capacité à travailler, mais je ne vois pas ce qui justifie que le Président de la République gagne plus qu'un ministre. C'est idéologiquement contestable, à moins que l'on considère qu'il travaille plus que les autres. La France n'est pas une entreprise, ce n'est pas une start-up, et Emmanuel Macron n'est pas le patron de la France. Il est un élu parmi d'autres, un élu national, et il serait plus juste de donner à tous la même indemnité.

Afin d'éviter cet écueil, il nous semblerait pertinent d'inscrire dans la loi un mode de calcul de la rémunération du Président de la République, qui pourrait par exemple s'élever à un certain nombre de fois le salaire médian des Français, ou un certain nombre de fois le SMIC. Serait ainsi mise en place une corrélation directe entre certains hauts revenus du secteur politique ou public, et ceux de la majorité de nos concitoyens.

Mais les plus grands abus qui existent en matière de rémunération, de retraites et d'accumulation de richesses, ne sont pas le fait de ceux qui exercent un mandat électoral ou public. C'est évidemment dans le secteur privé que l'éthique est le plus mise à mal, et que la situation choque le plus nos concitoyens. C'est l'illustration de la célèbre phrase de Jaurès : « la République a rendu les Français rois dans la cité, et les a laissés serfs dans l'entreprise. » Pourquoi fixons-nous des règles dans la vie publique que nous ne voulons pas appliquer dans l'entreprise ? Les deux sont liés, comme l'a évoqué mon collègue et ami Stéphane Peu. Dans certains groupes du CAC 40, les plus hauts revenus sont parfois mille fois supérieurs aux plus bas salaires de l'entreprise, et Carlos Ghosn poursuit Renault aux prud'hommes pour obtenir coûte que coûte sa retraite-chapeau, estimée à 770 000 euros annuels !

Cette proposition de loi allant dans le bon sens, nous la soutiendrons en dépit de ses limites.

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