Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Déshérence des retraites supplémentaires — Présentation

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

C'est pourquoi je remercie la députée Sophie Auconie pour ses travaux approfondis sur ce sujet important et pour ses propositions, qui nous donnent l'occasion d'échanger dans cet hémicycle.

Nous partageons l'objectif de poursuivre cette action contre la déshérence, mais le dispositif proposé ici soulève des interrogations techniques importantes, en matières d'opportunité et de faisabilité – nous en avons parlé ensemble. La consultation des différentes parties prenantes, notamment au sein du Comité consultatif du secteur financier il y a quelques jours encore, montre que les solutions proposées ne font pas à ce stade l'objet d'un consensus suffisant, et qu'elles méritent d'être approfondies.

L'article 1er vise à autoriser les assureurs à consulter les fichiers des caisses de retraite complémentaires, afin de récupérer les coordonnées des bénéficiaires.

La faible qualité des données d'adresses est indiscutablement une cause du phénomène de déshérence. Cette mesure pose toutefois la question cruciale de la protection des données personnelles, mais aussi celle de son coût administratif au regard des résultats attendus.

Les entreprises d'assurance disposent déjà du droit d'interroger l'administration fiscale pour obtenir les coordonnées de potentiels bénéficiaires, en vertu de l'article L. 166 E du livre des procédures fiscales. Ce dispositif sera opérationnel à l'été 2020. Nous proposons de l'évaluer avant de décider une nouvelle réforme des outils mis à disposition.

L'article 2 modifie les conditions du transfert des contrats à la Caisse des dépôts dans les cas où l'entreprise n'a pas connaissance du décès, qui s'effectue aujourd'hui à la date où l'assuré aurait 120 ans, âge qu'il est proposé de ramener à 90 ans. Le délai pour transférer les sommes serait abaissé de dix à trois ans.

Le passage de l'âge de décès certain de 120 à 90 ans et du délai de transfert de dix à trois ans engendrerait des difficultés majeures, car de nombreux contrats pourraient être transférés par les assureurs à la Caisse des dépôts sans l'accord des assurés, même s'ils sont encore en vie après 90 ans, ce qui n'est pas rare, et avant d'avoir pu être identifiés par les entreprises. Les épargnants perdraient alors pour l'avenir le bénéfice des clauses du contrat, notamment la rémunération qui leur est due sur les sommes épargnées.

Puisque vous avez cité des cas personnels, madame la rapporteure, je peux témoigner que j'ai récemment été confrontée à un transfert de compte sans que notre autorisation ait été sollicitée.

L'article 3 permet à la Caisse des dépôts de confier, à titre expérimental, la recherche des bénéficiaires des contrats d'épargne retraite à des organismes spécialisés. Cependant, la Caisse ne dispose pas, à ce jour, d'une mission de recherche des bénéficiaires. Elle est simplement chargée de mettre les données des contrats en déshérence à disposition des citoyens, via le portail public Ciclade, et de restituer les sommes après vérification de l'identité du bénéficiaire.

N'étant pas en charge d'une mission de recherche, la Caisse des dépôts ne pourrait donc pas, par construction, la déléguer à des prestataires. La mise à la charge de la Caisse des dépôts d'une mission de recherche active des bénéficiaires nécessiterait une étude d'impact plus approfondie, afin d'identifier l'opportunité et la faisabilité de cette proposition, ainsi que le dimensionnement des moyens qui devraient lui être affectés.

Enfin, l'article 4 prévoit une campagne de communication du Gouvernement sur le rôle de la Caisse des dépôts en matière de lutte contre la déshérence, en vue de mieux faire connaître le portail Ciclade. Si l'intérêt d'une meilleure information des utilisateurs est incontestable, une telle mesure ne relève pas du niveau législatif. Néanmoins, je m'engage à demander à la Caisse des dépôts de réfléchir à une stratégie de communication qu'elle déploierait à destination du grand public au sujet du portail Ciclade.

La lutte contre la déshérence est susceptible d'aboutir à des améliorations concrètes pour le quotidien des Français. Les fonds en déshérence doivent pouvoir être restitués dans les meilleurs délais tout en garantissant la sécurité du dispositif. Toutefois, ces travaux doivent être davantage approfondis, en lien avec les parties prenantes : représentants des épargnants, assureurs et professions financières – selon l'avis qu'ils ont eux-mêmes exprimé.

D'autres mesures de prévention de la déshérence des contrats d'épargne retraite sont par ailleurs en cours de concertation au sein du Comité consultatif du secteur financier, notamment pour enrichir le site info-retraites. fr avec les données relatives à l'épargne supplémentaire.

Le travail se poursuit donc sur l'ensemble des voies envisagées pour atteindre cet objectif partagé, et le Gouvernement y apportera les suites nécessaires le moment venu, lorsque ces propositions seront suffisamment mûres et abouties.

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