Intervention de Moetai Brotherson

Séance en hémicycle du jeudi 30 janvier 2020 à 15h00
Déshérence des retraites supplémentaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMoetai Brotherson :

Alors que le Gouvernement a présenté vendredi en conseil des ministres sa réforme des retraites et que celle-ci arrivera prochainement à l'Assemblée, les députés du groupe UDI-Agir proposent d'étudier un texte portant sur les retraites supplémentaires. Aujourd'hui, il est en effet possible, à travers des produits d'épargne réglementés, de compléter sa retraite générale, constituée d'une retraite de base et d'une retraite complémentaire, par une retraite supplémentaire basée sur la capitalisation. Elle prend la forme des fameux PERCO, plans collectifs, ou des plans retraite individuels. Pourtant les retraites supplémentaires restent des produits peu privilégiés par les Français : l'encours avoisine les 324 milliards d'euros alors que celui de l'assurance vie, par exemple, se situe autour de 1 700 milliards d'euros.

Il faut dire que malgré ses défauts, le système de retraites actuel, par répartition et par annuités, permet aux Français d'obtenir des prestations définies, avec un taux de remplacement relativement bon, ce qui dispense une bonne partie d'entre eux de faire appel à la capitalisation. Le système par répartition permet même de corriger en partie les inégalités puisque le taux de pauvreté chez les retraités est d'environ 7,5 % alors qu'il est de 14,7 % pour l'ensemble de la population.

Malgré ces éléments, la majorité actuelle, avec le concours du groupe UDI-Agir, s'apprête à démanteler notre système de retraites. À la clé, des pensions plus aléatoires pour tous les Français ainsi qu'un abaissement du plafond de cotisation à 120 000 euros pour les plus aisés. Le résultat de la manoeuvre est clairement explicité à l'article 65 du projet de loi : les Français vont devoir faire appel aux retraites supplémentaires par capitalisation.

Pourtant, le groupe UDI-Agir ne semble pas à une contradiction près. Alors qu'il soutient le projet de réforme des retraites, sa proposition de loi met en avant l'un des effets pervers de la retraite par capitalisation : la déshérence. Même s'il faut relativiser l'ampleur du phénomène, puisque les plans épargne retraite dormants ne représentent que 13 milliards d'euros sur les 324 milliards d'encours, la démonstration du groupe UDI-Agir est très réussie et met en avant un problème qui ne se poserait certainement pas dans un système par répartition.

Sur ce point, nous partageons le constat de l'UDI sur la nocivité du système de retraite par capitalisation. Cependant, une fois ce constat établi, comment expliquer que vous fassiez la promotion des retraites par capitalisation en apportant votre concours à la réforme des retraites, d'autant plus que l'État devra payer les pots cassés ?

Finalement, tel est le projet : que chaque Français ouvre son plan d'épargne pour la retraite collectif – PERCO – ou son plan épargne retraite individuel et qu'ensuite l'État passe derrière les assureurs et les banques pour corriger des erreurs et régler des problèmes induits par le détricotage du système de retraite. Il reviendrait ainsi au contribuable de payer des campagnes de publicité et des cabinets d'enquête chargés de retrouver les détenteurs de comptes dormants.

Plutôt que ces complications qui coûteront de l'argent à l'État, permettez-moi de vous suggérer une idée si vous voulez lutter efficacement contre la déshérence des retraites supplémentaires : la mise en place d'un système de retraite par répartition totalement intégré, qui résoudrait le problème bien plus facilement.

C'est dans cet esprit que le groupe de la Gauche démocrate et républicaine avait déposé un amendement visant à supprimer les PERCO obligatoires pour deux raisons : le système de retraite par répartition est le seul qui doit être obligatoire et il n'est pas normal d'obliger un salarié à capitaliser pour sa retraite ; ensuite, pour lutter contre la déshérence des plans d'épargne retraite, il est essentiel que l'ouverture d'un tel placement soit à l'initiative du salarié et non pas une obligation de l'entreprise.

Je tiens donc à réaffirmer l'opposition de mon groupe à la retraite par capitalisation, que ce soit dans le système actuel ou dans celui que le Gouvernement souhaite nous imposer.

Même s'il ne revient pas à l'État de résoudre les problèmes créés par la capitalisation en matière de retraite, nous sommes conscients que la déshérence pénalise en majorité les petits épargnants, notamment ceux obligés de souscrire un plan d'épargne retraite lors de leur arrivée dans l'entreprise et qui ne toucheront pas de bénéfice, faute d'informations nécessaires.

Dans ces conditions, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine s'abstiendra lors du vote de cette proposition de loi. Mauruuru e te aroha ia rahi. (Merci, en toute amitié et fraternité. )

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