Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du mardi 4 février 2020 à 21h30
Débat sur le financement des retraites

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Ainsi débute ce débat sur le financement des retraites souhaité par le groupe Les Républicains. Comment ne pas être favorable à une réforme des retraites ? Je l'étais et je le suis, par pragmatisme. Néanmoins, il faudra m'expliquer comment le Gouvernement est parvenu à transformer une équation à une inconnue en Rubik's Cube multifactoriel…

Au départ, l'inconnue, c'est celle exposée par le Conseil d'orientation des retraites – COR. Ses projections, réalisées en novembre 2019, prévoient que la part des dépenses de retraite dans le PIB devrait rester stable à l'horizon 2030, mais que les recettes, elles, devraient légèrement diminuer, ce qui engendrera des déficits annuels de l'ordre de 8 milliards à 17 milliards d'euros à partir de 2025. Néanmoins, loin de vouloir régler le seul problème du solde, le Gouvernement a ambitionné de tout revoir, du plancher au plafond, mettant ainsi à peu près tout le monde dans la rue et transformant un problème à 12 milliards d'euros en un problème à 300 milliards d'euros.

S'agissant de l'aspect paramétrique de la réforme, le Premier ministre a parlé d'un équilibre grâce à l'âge pivot en 2027 et non en 2025, introduisant déjà un petit décalage par rapport aux prévisions du COR. Il est vrai que 2027 est une année d'élection présidentielle, à laquelle l'actuel locataire de l'Élysée ne sera pas candidat. Néanmoins, l'équation à une inconnue s'est complexifiée avec cette réforme des retraites qui alourdit les dépenses tout en allégeant les recettes.

Ainsi, côté dépenses, en décidant d'instaurer dès 2022 une retraite plancher à 1 000 euros nets, votre gouvernement, madame la ministre des solidarités et de la santé, fait un geste social fort, reprenant une disposition de la loi Fillon de 2003, mais en omettant d'en préciser le financement.

Aujourd'hui, d'après mes recherches, le Fonds de solidarité vieillesse – FSV – finance à hauteur de 3,2 milliards d'euros l'allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – , anciennement « minimum vieillesse ». On sait que 7,6 % des retraités, soit un million de personnes, vivent avec moins de 1 002 euros par mois, dont 554 000 environ de l'ASPA. Évidemment, en augmentant fortement l'ASPA pour la porter à 903 euros au 1er janvier 2020, vous avez créé un problème de différentiel avec les petites retraites nées du travail, d'où votre proposition. Elle est donc intelligente.

Cela laisse, d'après mes calculs, 446 000 personnes concernées par cette mesure de revalorisation du minimum contributif, alias le MICO, qui profite globalement à 4,8 millions de retraités puisque ce dispositif s'applique jusqu'à 1 200 euros de retraite. M. Delevoye estimait que la moyenne des pensions était à 80 % du SMIC, ce qui veut dire que pour passer de 80 % à 85 %, il faut une hausse moyenne de 5 points du SMIC, soit 60 euros mensuels nets ou encore 721 euros sur un an. En l'absence d'un plan de financement, j'arrive à un chiffrage du coût total de cette mesure qui atteint 322 millions d'euros annuels. La question est double : disposez-vous d'un chiffrage, madame la ministre, et qui va payer ? Est-ce que ce seront les cotisations des retraités pauvres ?

Côté recettes, en décidant de sortir les salariés du privé du système par répartition au-delà de 120 000 euros bruts annuels, ce qui représente 240 000 cadres supérieurs, vous allez creuser un trou de 3,7 milliards par an pendant quinze ans. C'est le chiffrage de l'AGIRC-ARRCO – Association générale des institutions de retraite des cadres et Association des régimes de retraite complémentaire.

Vous voyez bien que le déficit annuel est ainsi déjà passé en moyenne de 12 milliards à 16 milliards d'euros. Voilà une drôle de manière de combattre le déficit !

De ce fait, la tentation est grande de vous soupçonner de vouloir récupérer les réserves des régimes excédentaires : …

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