Intervention de Stéphane Demilly

Séance en hémicycle du mercredi 5 février 2020 à 15h00
Débat sur la politique de développement et de solidarité internationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Demilly :

Les 9 et 10 octobre derniers, à Lyon, les donateurs réunis à l'occasion de la sixième conférence de reconstitution des ressources du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont promis, pour les trois prochaines années, plus de 14 milliards de dollars. C'est une solidarité mondiale sans précédent, qui devrait contribuer à sauver 16 millions de vies et à mettre fin aux épidémies de sida, de tuberculose et de paludisme d'ici 2030, conformément à l'un des objectifs de développement durable des Nations unies.

En tant que président du groupe d'études sur la santé mondiale et président de l'association des neuro-survivants du paludisme, je souhaitais commencer mon intervention en rappelant cet événement et en rappelant aussi que, sans l'engagement total de la France, un tel niveau de promesses de dons n'aurait pas été possible. C'est un magnifique exemple de ce que nous pouvons réussir en termes de développement et de solidarité internationale lorsque nous sommes ambitieux et que nous nous en donnons les moyens.

Plus largement, et au-delà de la question de notre capacité à entraîner la communauté internationale, il s'agit bien, par notre politique de développement et de solidarité, d'être à la hauteur de nos engagements internationaux et de contribuer à la défense des biens publics mondiaux tels que la santé, la préservation de l'environnement, l'éducation et bien sûr la paix. Le Président de la République a pris position à de nombreuses reprises en faveur d'une politique ambitieuse dans le domaine de la coopération internationale. Nous partageons sa volonté et souscrivons d'ailleurs à la feuille de route fixée par le comité interministériel de la coopération internationale et du développement – CICID – en février 2018. Il importe toutefois aujourd'hui que cette ambition trouve une concrétisation forte dans un nouveau cadre légal.

Dans la perspective de la nouvelle loi d'orientation et de programmation, attendue pour ce trimestre après de multiples reports et qui suscite de nombreuses attentes, notamment de la part des acteurs de la société civile, le groupe UDI, Agir et indépendants souhaite insister sur quelques points.

Sur la question du financement de nos ambitions tout d'abord. Un objectif de 0,55 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement à l'horizon 2022 a été annoncé et rappelé tout à l'heure par l'un des orateurs qui m'ont précédé. Il est essentiel que la loi d'orientation détaille maintenant la programmation budgétaire et les moyens pour parvenir à cet objectif.

En 2014, par la voix de mon collègue Meyer Habib, nous avions vivement regretté que la loi d'orientation et de programmation qui était alors en discussion passe sous silence la question absolument fondamentale des moyens. Nous avions, au contraire, appelé à soutenir l'essor de financements innovants comme la taxe sur les transactions financières, un élargissement des moyens financiers que peuvent consacrer les collectivités locales à la solidarité internationale, les fondations d'entreprise ou, par exemple, l'épargne-vie défiscalisée dans le domaine de l'épargne responsable. Afficher et affirmer une trajectoire crédible, plus précise que celle de la feuille de route, pour atteindre l'objectif fixé nous semble vraiment impératif.

Un autre point que je souhaite aborder est celui de la gouvernance de cette politique, à la fois au niveau national et au niveau local. L'approche de cette politique doit en effet être renouvelée, et nous souhaitons qu'un accent particulier soit mis sur les collectivités territoriales.

Au sein de nos territoires, de nombreuses actions et de nombreux projets menés par des associations et des collectivités méritent d'être soutenus et mis en valeur car, en plus des projets, ce sont des liens qui se créent entre populations. Je pense ainsi, dans ma ville d'Albert, dans la Somme, à Labo'sciences, qui intervient pour équiper des laboratoires dans les lycées du Cameroun, et à Enfants de Guinée, qui veut créer une école à Dubréka.

Vous savez, monsieur le secrétaire d'État, que j'ai un attachement particulier pour le continent africain. Je citerai donc, à propos de cette coopération décentralisée, le rapport de notre collègue Vincent Ledoux sur la contribution des acteurs territoriaux à la priorité africaine de la diplomatie française. Trois axes de la feuille de route qu'il a définie peuvent être complémentaires de notre aide publique au développement : la relance des compagnonnages consulaires, la création de liens de société à société, qui s'ajoute aux grandes initiatives diplomatiques et économiques, et l'ouverture des instances de coordination de l'action territoriale extérieure. Ils constituent un levier que nous devons aujourd'hui davantage soutenir et exploiter.

Enfin, et ce sera mon dernier point, à de nombreuses reprises, et notamment à l'occasion des débats budgétaires, le manque de lisibilité et de transparence de l'aide publique au développement a été souligné. Un renouvellement des méthodes et un contrôle parlementaire facilité nous apparaissent indispensables pour répondre à ces critiques et accentuer l'appropriation de cette politique par l'opinion publique. Espérons que, dans le même esprit que la feuille de route du CICID, le texte qui nous sera proposé soit exigeant en matière de suivi et de transparence.

Il nous reste dix ans pour atteindre les objectifs de développement durable. Ça passe très vite ! La loi de programmation et d'orientation sera donc stratégique et devra, alors que les inégalités ne cessent de s'accroître, s'inscrire pleinement en cohérence avec ces objectifs. Nous veillerons à ce qu'elle soit plus lisible, plus solide et plus audacieuse que celle de 2014. Telle est, monsieur le secrétaire d'État, la contribution que le groupe UDI, Agir et indépendants souhaitait apporter à ce débat.

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