Intervention de Agnès Pannier-Runacher

Séance en hémicycle du jeudi 6 février 2020 à 9h00
Débat sur les allégements de la fiscalité au profit du capital et des entreprises

Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'état auprès du ministre de l'économie et des finances :

Je veux faire passer un message clair : ce Gouvernement n'a qu'un objectif depuis le début du quinquennat, celui de créer des emplois pour les Français. Pour l'atteindre, il faut du travail, donc des commandes. Pour gagner des commandes dans une économie mondialisée, il faut être compétitif. Or la France avait, ces dernières années, des niveaux de taxation supérieurs à ceux de ses partenaires européens, ce qui lui a fait massivement perdre des emplois et des parts de marché.

Sur la fiscalité du capital, avant la réforme, le niveau d'imposition était ainsi supérieur de 3 points de PIB à la moyenne européenne. Les taux marginaux pratiqués touchant l'impôt sur le revenu atteignaient jusqu'à 62 % pour les taux d'intérêt, contre une moyenne de 28 % en Europe, et la taxation des dividendes jusqu'à 44 %, contre une moyenne de 26 %.

Concernant l'impôt sur les sociétés, le taux effectif pour certaines entreprises pouvait être de 40 % – je suis bien placée pour le savoir puisque j'en ai dirigé une qui a connu ce niveau de taxation. Cela s'explique par le fait que les pertes de certaines activités n'étaient pas prises en compte et que la déduction de certaines dépenses était rendue impossible, sachant que le taux normal était de 33 %, auquel s'ajoutait le complément de 10 points.

Á propos du financement de la protection sociale, différents modèles existent en Europe. La France a, historiquement, choisi de le répartir entre les cotisations sociales et l'impôt. Mais le niveau de cotisations en France s'est progressivement détaché de celui de la moyenne des autres pays européens qui ont choisi à peu près le même modèle – on ne peut pas se comparer à la Finlande qui a opté pour un recours plus important à l'impôt.

Le CICE a apporté une première réponse, notamment pour les salaires proches du SMIC. Mais ce dispositif présente deux problèmes. Le premier est le décalage dans le temps entre le moment où l'entreprise paie les salariés et celui où elle bénéficie du crédit d'impôt, ce qui n'est pas très sain et finit par maintenir la masse salariale à un niveau élevé puisque certaines entreprises avaient choisi, dans leur présentation, de faire figurer le crédit d'impôt dans la masse salariale, mais plutôt en bas du compte de résultats.

Le deuxième est que pour les salaires supérieurs à deux SMIC, le coût du travail en France est singulièrement plus élevé que dans les autres pays européens. D'ailleurs, en Espagne, un de nos principaux concurrents industriels, il est inférieur de 40 %. Il ne faut pas réfléchir bien longtemps pour comprendre pourquoi certaines entreprises ont recours à la délocalisation dans le secteur de l'industrie automobile – surtout que l'Espagne, ce n'est pas très loin de la France.

Pour citer d'autres chiffres, je note que la France a perdu 1 million d'emplois industriels en vingt ans. À titre d'exemple, la moitié des parts de marché mondiales a été perdue dans le secteur de la pharmacie entre 2008 et 2018. Je ne reviens pas sur le déficit de la balance du commerce extérieur. La responsabilité de notre Gouvernement et de notre majorité a été de mettre en place une fiscalité qui permette de gagner des commandes et, à moyen terme, de dégager des marges de manoeuvre pour investir dans l'innovation, car c'est ainsi qu'on peut créer des emplois.

Dans ce contexte, la politique du Gouvernement s'articule autour de trois axes. Premièrement, il faut faire en sorte que nos entreprises travaillent dans des conditions de concurrence proches de celles de leurs compétiteurs issus de pays dont le modèle social et environnemental a le même niveau d'exigence que le nôtre. De ce point de vue, il n'est pas indécent de se comparer par exemple à l'Allemagne, aux Pays-Bas ou aux pays scandinaves. Je tiens à être claire sur ce point : il ne s'agit en aucune façon d'être moins-disant fiscalement. D'ailleurs, la réalité, c'est que nous nous situons plutôt dans le haut de la fourchette, y compris au terme de ce quinquennat, par rapport à la moyenne des pays européens : ce sera le cas, par exemple, avec un impôt sur les sociétés à 25 %. Cependant la France revient dans le jeu, elle n'est pas totalement déconnectée.

Deuxièmement, il convient d'adopter une fiscalité simple, prévisible et orientée vers la production. Enfin, il faut se battre pour une concurrence loyale sur le plan international – j'y reviendrai. En ce qui concerne la fiscalité du capital, cela a conduit à l'instauration du PFU, qui apporte de la simplicité, de la lisibilité et entraîne une baisse de l'imposition du capital, ce qui permet de rendre attractif l'investissement dans nos activités productives auprès d'investisseurs qui s'étaient détournés de notre pays. L'impôt de solidarité sur la fortune, lui, a été recentré sur l'immobilier. On constate aujourd'hui qu'il apparaît comme plus équitable et qu'il rend plus difficile l'optimisation fiscale.

L'impôt sur les sociétés est un signal pour les investisseurs sur le plan international ; il est en particulier l'un des critères retenus par les classements internationaux pour identifier les territoires propices à l'investissement, mais aussi par un dirigeant d'entreprise qui, pour choisir le pays dans lequel il souhaite installer un nouveau site, se réfère à un taux normatif. En ce sens, un taux de 25 % constitue un signal clair, qui permet de revendiquer une plus grande attractivité.

Il faut aussi sanctuariser le crédit impôt recherche parce que c'est un modèle éprouvé depuis plus de dix ans. Ce n'est pas par hasard que ce dispositif a traversé les législatures mais bien parce que les gouvernements qui se sont succédé ont été largement convaincus de son efficacité. S'agissant des cotisations sociales, nous avons supprimé le CICE pour retrouver cette logique consistant à associer hausse des salaires et baisse des charges sociales. Le problème de la compétitivité des salaires supérieurs à deux SMIC reste cependant posé.

Enfin – et c'est un point important – , comment procéder lorsqu'on veut se battre pour aboutir à une concurrence loyale sur le plan international, à ce qu'on appelle un level playing field, autrement dit un terrain de jeu équitable ? Notre stratégie consiste à adopter une taxation minimale dans tous les secteurs – c'est l'un des piliers de la politique que nous revendiquons au sein de l'OCDE – et une taxation spécifique sur les plateformes numériques, puisque celle des autres secteurs est en moyenne supérieure de 14 %.

Je conclurai en précisant tout d'abord que nous nous sommes employés à mettre en place des outils de diagnostic, entre autres un comité d'évaluation des réformes sur la fiscalité du capital – souhaité notamment par les députés – , avec un haut niveau de transparence. Tous les résultats ne sont bien sûr pas encore connus, mais certains éléments positifs en sont déjà ressortis, s'agissant par exemple des résultats économiques.

Je ne reviendrai pas sur les 700 000 emplois créés depuis trois ans ni sur le fait que nous sommes désormais le premier pays en matière de niveau d'investissements étrangers dans l'industrie – la France compte deux fois plus de projets que l'Allemagne – et dans les centres de recherche et développement. Je ne reviendrai pas non plus sur la baisse du chômage qui, si elle n'atteint certainement pas encore l'étiage que nous souhaitons collectivement, connaît son niveau le plus bas depuis une dizaine d'années. Il n'en reste pas moins qu'il faut prendre en compte tous ces éléments.

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