Intervention de Adrien Quatennens

Réunion du mercredi 29 janvier 2020 à 15h00
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Bref, chacun comprend qu'en réalité le Gouvernement n'assume pas sa position et ce qu'il veut faire. Alors il trompe, trafique, manipule – y compris quand il s'agit de la représentation parlementaire : comprenez bien que vous n'êtes pas les seuls. Dans l'étude d'impact qui nous a été remise, les chiffres, comme vous le savez, ont été trafiqués, puisque l'âge d'équilibre a été magiquement gelé, alors que, dans le projet de loi, que vous connaissez désormais aussi bien que nous, il va être modifié. Le résultat en est que tous les chiffres qui nous ont été donnés et les cas types présentés aux Français sont truqués.

Il y a donc beaucoup d'enfumages autour de ce projet de réforme des retraites. Une fois dissipé le nuage de fumée, que reste-t-il ? Rien qui corresponde à ce bel emballage qui promet un régime universel, ce qui n'a rien d'étonnant puisque l'acte I du quinquennat d'Emmanuel Macron a précisément consisté à rompre avec une règle commune juste, simple et qui s'appliquait à tous, en l'occurrence le code du travail, pour faire autant de « régimes spéciaux » qu'il y a d'entreprises, puisque les règles se négocient désormais au niveau de l'entreprise. Il en ira de même avec cette réforme des retraites : non seulement il y aura autant de régimes spéciaux qu'il y a de générations, mais il n'y aura pas non plus un euro cotisé qui ouvrira les mêmes droits.

Non, le Gouvernement n'est pas à l'écoute ni ouvert à toutes les modalités. Nous avons, comme les syndicats, fait un certain nombre de propositions sous la forme d'un contre-projet, mais force est de constater que la seule solution acceptée par le Gouvernement, c'est de faire travailler les Françaises et les Français toujours plus longtemps. Une fois enlevés tous les éléments de langage, ce projet de loi se résume à une vaste mesure d'âge, puisqu'il prévoit, mécaniquement, que les Français aient à travailler toujours plus longtemps.

Or, après des semaines de mobilisation, les Français ont compris que travailler plus longtemps n'était non seulement pas la seule solution pour financer nos retraites mais surtout pas la bonne, si l'on considère le taux de chômage des seniors – 300 000 chômeurs de plus de 60 ans –, et le fait qu'un actif sur deux est sans emploi lorsqu'il arrive à l'âge de la retraite ; elle n'est en outre pas souhaitable au vu de ce qu'est l'espérance de vie en bonne santé dans notre pays, pas plus d'ailleurs qu'elle n'est nécessaire compte tenu de la richesse produite dans ce pays, et qui n'a jamais été aussi mal répartie.

Plutôt que d'obéir à une logique comptable et budgétaire arbitraire, consistant à contenir la part des richesses consacrées aux retraites en jouant de la vie des gens comme d'une variable d'ajustement, mieux vaudrait répondre aux deux questions fondamentales que se posent les Français : à quel âge sera-t-il possible de partir à la retraite et avec quel niveau de pension ? Ces questions, le Gouvernement est incapable d'y répondre.

Vous allez participer demain à une conférence de financement où se jouera une partie de la farce sur l'âge pivot, qui ne concerne pas en tant que tel le projet de loi et le système à points : dans une chanson intitulée Soleil cherche futur, un chanteur, que j'affectionne particulièrement, s'interroge : « N'est-ce pas merveilleux de se sentir piégé ? ». En tant que parlementaire, je me pose la même question ; et vous ?

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