Intervention de Clémentine Autain

Réunion du lundi 3 février 2020 à 16h15
Commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi instituant un système universel de retraite et le projet de loi organique relatif au système universel de retraite

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClémentine Autain :

Si nous avions pu amender l'exposé des motifs de ce projet de loi, nous l'aurions fait, car il présente une dimension absolument orwellienne. Nos premiers amendements, les amendements identiques n°s 22392 et suivants, consisteront à modifier l'intitulé du titre Ier, actuellement ainsi rédigé : « Les principes du système universel de retraite ». Lesdits principes n'ayant en effet rien d'universel, nous proposons que le titre Ier soit intitulé de la manière suivante : « Les principes d'un système de retraite individualisé ».

Comme l'a très bien dit le Conseil d'État, « le projet de loi ne crée pas un "régime universel de retraite" [...] À l'intérieur de chacun de ces régimes créés ou maintenus, des règles dérogatoires à celles du système universel sont définies pour les professions concernées. En termes de gestion, sont maintenues plusieurs caisses distinctes [...] ».

Plus fondamentalement, c'est le mécanisme de solidarité qui est atteint par l'instauration d'un régime de points. En effet, le projet gouvernemental va individualiser la retraite en faisant en sorte que chacun perçoive une pension adaptée au plus juste de ce qu'il aura cotisé, ce qui est très éloigné du système imaginé par ceux qui ont créé le régime de retraite universel.

On peut se demander pourquoi il est ainsi décidé de basculer dans l'ère du « chacun pour soi ». La première raison, c'est sans doute le souhait du Gouvernement de faire de la France le bon élève de la règle d'or et de l'austérité budgétaire, ce qui se traduit par une mentalité très contrainte : on n'imagine jamais d'avancer du côté des recettes, la seule solution envisagée consistant à diminuer ce qui est partagé au sein de la société. La seconde, bien sûr, c'est la volonté d'ouvrir la voie aux fonds de pension et autres formes de retraite privée, ce qui est d'ailleurs prévu et encouragé par la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE ») que vous avez imposée il y a quelques mois. Même les hauts cadres sont encouragés à faire sécession, puisque pour ceux percevant des revenus à partir de 10 131 euros bruts par mois, la cotisation va tomber de 28 % à 2,8 %, sans ouvrir de droits.

Puisque nous y sommes, appelons un chat un chat, et donnons à votre projet le titre qu'il mérite, celui d'un « système de retraite individualisé ».

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