Intervention de Arnaud Viala

Séance en hémicycle du vendredi 3 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Administration générale et territoriale de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » contient peu d'éléments, mais elle pose de nombreuses questions que je souhaite développer devant vous cet après-midi.

Elle contient peu d'éléments car elle ne revient pas en substance sur les orientations prises au cours de la dernière décennie – au moins – , dont on comprend parfaitement les desseins et qui ont conduit à réduire la voilure, pour parler trivialement, de la présence de l'État sur le territoire national. Le projet de loi de finances pour 2018 confirme cette tendance. Je ne souhaite pas m'y appesantir davantage, si ce n'est sur un point précis que j'ai déjà soulevé en commission élargie et que M. Rebeyrotte vient également d'évoquer.

Je veux parler du décret pris en catimini au printemps dernier, qui a imposé sans aucune concertation une mesure très lourde de conséquences sur le terrain, privant de nombreuses préfectures et mairies de leur capacité à délivrer les passeports et les cartes nationales d'identité au motif que le renforcement des mesures de sécurité et de cryptage a conduit à déployer des moyens informatiques dont ne sont équipées que 5 à 6 % des mairies de France. Résultat : nos concitoyens résidant dans les zones les plus fragiles, où les densités de population sont les plus faibles, font une nouvelle fois les frais d'une mesure prise à l'emporte-pièce, qui les éloigne d'un service pourtant universel que les mairies ont assuré au nom de l'État sans jamais demander de contreparties.

Je sais de quoi je parle : jusqu'au 17 juillet dernier, j'étais maire de ma commune de Vézins-de-Lévézou – 670 habitants – et j'ai vu le désarroi qu'a suscité cette mesure arbitraire, profondément injuste et surtout irréfléchie. Comme dans beaucoup d'autres communes de mon département de l'Aveyron et de France, les administrés doivent parcourir des dizaines de kilomètres pour effectuer ces formalités dans des services qu'ils ne connaissent pas.

Il ne s'agit pas d'une nouveauté de ce PLF, mais je demande avec force, une nouvelle fois, que l'on revienne sur cette mesure, que l'on permette aux communes qui le souhaitent de s'équiper et qu'on les aide à le faire. Je vous soumets une nouvelle fois la proposition que j'ai faite en commission élargie : l'État pourrait financer à 50 % l'achat du terminal nécessaire, dont le coût s'élève à quelques milliers d'euros, tandis que la part restante serait prise en charge par la commune et donc payée par le contribuable local. On gommerait ainsi une partie de l'inégalité.

Ce point précis me permet de souligner quelques-unes des inquiétudes qui traversent aujourd'hui les territoires de France. Si l'on veut – c'est mon cas – que l'État maintienne sa présence sur le terrain et que la France soit uniformément peuplée, il faut absolument accorder à l'État les moyens dont il a besoin.

Madame la ministre, vous dites que vous voulez affermir le rôle et la place de l'État et des préfectures, notamment en matière de sécurité et de maintien de l'ordre. Nous partageons votre souhait, mais où sont les moyens prévus pour améliorer les conditions de travail de nos policiers, de nos gendarmes et pour consolider les effectifs de certaines brigades dans les communes rurales ou les petites villes ?

Vous assurez aussi la représentation nationale de votre souhait de ne pas diminuer les moyens mis à disposition des territoires pour investir, déployer des infrastructures et proposer des services à nos concitoyens, mais les comptes n'y sont pas. Alors que les prélèvements sur les dotations des collectivités territoriales sont historiquement élevés, on continue d'accompagner l'investissement mais il n'y a plus de moyens en ingénierie, ni dans les DDT, ni dans les préfectures.

Vous dites également vouloir un État partenaire plutôt que réglementaire – c'est bien ce que veulent les Français. Pourquoi ne pas profiter de ce PLF pour revoir les modes de fonctionnement et surtout les rattachements de ces mastodontes administratifs effrayants que sont les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement – DREAL – , les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi – DIRECCTE – ou encore les agences régionales de santé – ARS – , qui conditionnent la vie des territoires et sont totalement déconnectés des réseaux locaux ? À ce sujet, permettez-moi de vous soumettre une proposition : sans augmenter les crédits, pourquoi ne pas donner aux préfets de département un minimum d'autorité hiérarchique sur ces administrations qui conditionnent la vie des territoires ?

Je pose donc la question suivante : pourquoi ne profitons-nous pas de ce projet de budget pour nous adresser à la France des territoires et pour lui envoyer un message d'espoir ?

Parce que je pense que l'opposition systématique n'a aucun sens, je termine mon intervention par une proposition. Dans ces territoires que je connais bien – je vis dans l'un d'entre eux – , 80 % des projets et des dynamiques sont portés par des initiatives locales, publiques, privées ou associatives, souvent faites de bouts de chandelles. Pour ces 80 % de besoins, les habitants ne demandent rien. C'est pour les 20 % restants – les grandes infrastructures, le réseau ferroviaire, les axes routiers structurants, le numérique – qu'ils ont besoin que la solidarité nationale s'exerce et que l'État intervienne. Pour ce faire, il faut que les services déconcentrés de l'État participent à la modélisation d'une forme de contractualisation entre les territoires constitués et l'État central. Avec certains collègues, je suis en train de travailler sur un projet de modélisation. Je vous tends la main pour que nous puissions y réfléchir ensemble.

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