Intervention de Claude de Ganay

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - défense nationale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude de Ganay, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour « Logistique et soutien interarmées » :

Ce premier projet de loi de finances de la législature est le moment de traduire en actes les promesses de campagne. C'est aussi, malheureusement pour vous, madame la ministre, le moment de régler certaines factures impayées.

Vous nous présentez un budget de la défense en hausse de 1,8 milliard d'euros. Cette augmentation historique, dont on peut tous se féliciter au regard des besoins, marque une vraie rupture avec plusieurs années de coupes claires dans le budget de la défense. Mais s'agit-il d'argent réellement disponible ? En réalité, madame la ministre, vos marges de manoeuvre sont extrêmement réduites puisqu'il vous faut, avant tout, réévaluer des coûts durablement mal estimés et consentir des dépenses trop longtemps repoussées.

Prenons les OPEX : pendant des années, leur coût réel a été sous-évalué en loi de finances. La LPM prévoyait que les surcoûts feraient l'objet d'une prise en charge interministérielle. Aujourd'hui, votre Gouvernement entend « sincériser » le budget des OPEX, c'est-à-dire inscrire dès le projet de loi de finances les dépenses qu'il faudra vraiment consentir dans l'année. À ce titre, 650 millions sont prévus dans le PLF 2018 contre 450 millions en 2017, mais on est encore loin du milliard d'euros et demi que coûtent ces opérations chaque année. La « sincérisation » sera progressive, dites-vous, avec une augmentation de 200 millions par an. Mais en attendant, qui va payer la différence ? Pour l'instant, c'est le ministère des armées qui a réglé la note, en violation flagrante de l'article 4 de la LPM. Avez-vous, depuis votre récente audition devant notre commission de la défense, obtenu la garantie d'une prise en charge interministérielle du solde des surcoûts liés aux OPEX ? Ou faudra-t-il que votre ministère renoue avec une pratique ancienne en « cannibalisant » les programmes d'équipement et d'armement ?

Autre exemple : on peut se réjouir que la hausse du budget de la défense bénéficie aussi aux infrastructures, 333 millions de plus étant consacrés à l'amélioration de l'hébergement du personnel. Il était temps ! Voilà des années que ces dépenses urgentes sont retardées. Quinze ans après le lancement du plan Vivien, on dénombre encore 697 « points noirs » dans le patrimoine immobilier. Pouvez-vous nous garantir que, cette fois, la hausse des moyens consacrés à la rénovation du patrimoine immobilier sera durable ? Reconnaissez que l'effort en faveur du patrimoine immobilier est loin de couvrir l'ensemble des besoins.

La reconversion, sujet qui me tient à coeur, est cette année le thème de mon avis budgétaire. C'est un enjeu essentiel pour les militaires qui sont, rappelons-le, majoritairement des contractuels. En lien avec l'impératif de jeunesse des armées, plus de 20 000 militaires partent chaque année dans le civil. Les aider à retrouver un emploi après des années au service de leur pays est un devoir moral, une contrepartie de leur statut militaire. C'est aussi un enjeu financier puisque le coût de l'indemnisation chômage pèse à hauteur de 150 millions d'euros sur la masse salariale du ministère.

En dépit d'une importante dotation de 84 millions, la politique de reconversion a des résultats mitigés et, c'est plus grave, qui diffèrent beaucoup selon les grades. Les militaires du rang ont plus de difficultés que les autres à retrouver un emploi et ils sont nombreux à s'exclure tout seuls des dispositifs d'aide à la reconversion car la loi fixe un seuil à quatre ans de services pour bénéficier d'un congé de reconversion et d'une formation qualifiante. En dessous de quatre ans, les militaires peuvent toutefois être aidés dans leurs recherches, mais bien peu le savent. Nombreux sont les militaires du rang à s'être entendu dire qu'ils n'avaient droit à rien avant cinq ans, voire neuf ans. Sans doute parce que les armées sont soucieuses de garder leurs recrues. Prenons l'armée de terre : compte tenu des départs, elle a dû recruter ces trois dernières années 46 000 soldats pour accroître ses effectifs de 6 000 hommes ! La politique de fidélisation contraignante qui est menée aujourd'hui m'apparaît inefficace, voire préjudiciable à la reconversion.

Les jeunes recrues ont de nouvelles aspirations. Elles sont plus versatiles, sans doute, moins mobiles, certainement. Elles subissent aussi les effets négatifs du contexte opérationnel. Le nombre de blessés, y compris psychiques, augmente. Il faut encore mieux les accueillir dans les antennes de Défense Mobilité et dans les centres de formation. Aucun médecin n'est affecté au centre militaire de formation professionnelle de Fontenay-le-Comte. C'est un lieu quelque peu éloigné mais les formations proposées sont de très grande qualité. Davantage de nos jeunes militaires du rang doivent pouvoir y accéder et dans les meilleures conditions, lorsqu'ils sont blessés.

Je crois fermement qu'il faut engager un plan de prévention du risque de paupérisation des anciens militaires du rang. L'attractivité de la fonction militaire pourrait être durablement fragilisée si les limites de la reconversion contribuaient à la précarité sociale.

Dans la prochaine LPM, nous aurons sans doute l'occasion de réexaminer la politique de reconversion. Je vous propose d'en faire un véritable atout dans le cadre d'une nouvelle politique de fidélisation qui ne soit plus fondée sur la contrainte mais sur des jalons qualifiants. Pourquoi ne pas créer une sorte de carte de fidélité à points donnant graduellement accès à des moyens d'accompagnement supplémentaires et à des certifications professionnelles ?

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