Intervention de Florence Parly

Réunion du jeudi 2 novembre 2017 à 21h00
Commission élargie : finances - affaires étrangères - défense nationale

Florence Parly, ministre des armées :

Je croyais avoir déjà répondu à certaines de ces questions…

J'ai indiqué avoir demandé le dégel des 700 millions de crédits gelés. Je n'ai pas encore eu de réponse, mais vous pouvez compter sur mon acharnement pour en avoir une, le plus vite possible.

J'ai aussi indiqué que j'ai de bonnes raisons de penser qu'il n'y aurait pas d'appel à un financement par le budget des armées des surcoûts liés aux OPEX et que c'est donc la solidarité interministérielle qui jouera.

Je n'ai pas répondu à la question sur le montant des reports de charges, tout simplement parce que, en l'absence d'informations sur le dégel de tout ou partie des 700 millions, il est difficile de se prononcer. Je n'esquive pas la question : dès que nous aurons la réponse sur le dégel, je vous dirai comment le report de charges, qui s'élevait à 3,1 milliards à la fin de l'année 2016, pourrait évoluer. Je puis néanmoins donner une indication : il est assez probable qu'il se dégrade.

L'attractivité des réserves est, en effet, un sujet majeur : d'ici à la fin de l'année 2018 nous avons l'ambition de porter les effectifs de réservistes de 28 000 à 40 000 hommes et femmes. La réserve est attractive : chaque jour entre 30 et 40 postulants se rapprochent de nos services. Il y a un certain nombre de raisons : une participation financière au permis de conduire, une allocation octroyée aux étudiants et des primes de fidélité. Néanmoins, un axe d'amélioration passe par la simplification de la gestion, afin de diminuer les délais, notamment de paiement des soldes, et de développer un portail numérique pour le recrutement.

Sur les 200 millions affectés au paquet « protection » individuelle, 60 millions seront destinés à mieux protéger le combattant – gilets pare-balles plus légers et casques composites de nouvelle génération – et les matériels – renforcement de l'auto-protection des hélicoptères et augmentation du nombre de véhicules blindés.

Bercy bloque-t-il ? Si tel n'était pas le cas, j'aurais pu répondre à la question… Mais nous allons tout faire pour que Bercy se débloque.

J'ai évoqué l'éventuelle accélération du programme Scorpion, en indiquant que la programmation actuelle comprend la livraison des Griffon à partir de 2018, ainsi que les commandes de Jaguar, la rénovation des chars Leclerc et celle des VBMR légers entre 2017 et 2019. Je pense que c'est conforme à ce qui a été annoncé par mon prédécesseur même si je n'ai pas exactement la référence en tête. Voilà en tout cas pour les éléments factuels.

Oui, prévoir le budget des OPEX présente une difficulté. Je profite de cette occasion de appeler chaleureusement à défendre, lors de la discussion de la loi de programmation militaire, le principe d'un financement interministériel, quel que soit le niveau de provision – je peux vous indiquer qu'il continuera de croître jusqu'en 2020, à hauteur d'1,1 milliard d'euros, avant de se stabiliser, voire de décroître si le niveau des OPEX devait fortement se réduire.

Ce budget, en progression d'1,8 milliard d'euros, est-il en trompe-l'oeil ? Je ne le crois pas, même si l'on peut toujours voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Permettez-moi d'avoir plutôt une vision optimiste. Je ne pense pas que les 850 millions d'euros d'annulations de crédits soient de nature à affecter profondément la trajectoire de forte croissance qui a été tracée pour les prochaines années, ni que les 200 millions d'euros supplémentaires au titre de la provision OPEX soient une mauvaise nouvelle. La moitié des 850 millions d'euros sera traitée par ce que l'on appelle pudiquement des « mesures financières » : nous avons considéré que certains versements à des organismes extérieurs pouvaient être réduits car leur trésorerie est importante. On ne se fait pas de mal, si je puis dire, en réduisant un temps ces contributions. Pour le reste, les programmes affectés sont décalés de quelques mois, essentiellement en 2019, mais ils ne sont en aucun cas remis en cause. On les retrouvera – plus tard, je suis d'accord avec vous. La hausse d'1,8 milliard d'euros n'est donc pas un trompe-l'oeil : chaque euro sera disponible et utile pour nos armées.

M. Chassaigne m'a interrogée sur l'adhésion éventuelle de la France au traité d'interdiction des armes nucléaires. Nous en sommes tous d'accord, le désarmement nucléaire est une préoccupation absolument majeure et nous avons tous pour perspective, à un horizon que nul ne saurait définir, d'aboutir à un monde sans armes. Je crois qu'il n'y a pas de débat sur l'objectif mais plutôt sur la bonne façon d'y parvenir. C'est dans le cadre du traité de non-prolifération que la question du désarmement nucléaire est aujourd'hui traitée. On peut souhaiter une interdiction, mais elle ne me paraît pas tenir compte de la réalité de notre environnement stratégique actuel – nous voyons chaque jour la menace que représente la Corée du Nord, acteur de la prolifération nucléaire. J'ajoute que la France a été exemplaire en matière de non-prolifération et qu'elle le demeure. Au cours des vingt dernières années, la réduction de l'arsenal nucléaire français a été extrêmement forte, notamment avec la fermeture du plateau d'Albion et le démantèlement de la composante sol-sol.

La question sur la coopération structurée permanente portait principalement sur le financement ; néanmoins, je me permets de redire qu'il s'agit d'une démarche visant à réunir les États membres les plus avancés en matière de défense, ayant des critères élevés en ce qui concerne les capacités militaires et ayant souscrit des engagements contraignants en vue de pouvoir assurer les missions les plus exigeantes possibles. Cette CSP n'appellera pas de financement supplémentaire au-delà de celui que nous voudrons consentir pour les projets que nous choisirons de mener dans ce cadre avec nos partenaires européens. Dans le domaine capacitaire, les projets qui bénéficieraient d'un financement du Fonds européen de défense pourront faire l'objet d'un « bonus » s'ils sont par ailleurs éligibles à la CSP et menés dans ce cadre.

Monsieur Brotherson, vous me posez une question… difficile : quand l'atoll de Mururoa s'effondrera-t-il ? J'avoue humblement que je l'ignore. Je sais en revanche que le CEA a adopté un système perfectionné de surveillance sismique de l'atoll, Telsite, qui permet un suivi continu de la situation et de toute évolution géologique susceptible de mettre en jeu la sécurité des personnes. Ce dispositif est complété par des campagnes quinquennales de relevés topographiques. J'ai conscience que je ne réponds pas totalement à votre question et que ces éléments ne concernent que la qualité du suivi.

En matière immobilière, la résorption des points noirs est en cours : 84 % de ceux qui ont été identifiés ont été traités dans les délais prévus, et l'effort se poursuit pour les 16 % restants. Il s'agit toutefois des cas les plus difficiles car nous avons commencé par les plus simples. Il faudra en conséquence y consacrer davantage de crédits : plus de 300 millions contre 175 millions jusqu'à maintenant.

Je ne suis pas en mesure d'indiquer avec précision la date du déploiement du logiciel Source solde qui a vocation à prendre le relais de Louvois. Tout dépendra des résultats des tests en cours : à chaque étape, nous veillons, avec les équipes concernées, à obtenir une réussite à cent pour cent, et à n'enregistrer aucune anomalie, avant de passer au stade suivant. Le déploiement se fera de façon progressive avec la garantie qu'il n'y aura pas d'anomalie. Les militaires et leurs familles n'en attendent pas moins après ce qu'ils ont enduré avec Louvois. Je vous confirme que le prélèvement de l'impôt à la source fait actuellement l'objet de tests.

Sans évoquer le détail des mesures du plan Famille, je précise que 70 % d'entre elles entreront en vigueur en 2018, y compris celles qui se déploieront progressivement dans les cinq prochaines années comme l'augmentation du nombre de places en crèche.

Madame Dubois, j'avoue ne pas être capable de répondre à votre question relative aux vaccins. Elle s'adressait davantage à Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé qu'à moi-même. Je comprends que le service de santé des armées puisse dépendre de la politique mise en oeuvre en matière de vaccins, mais je reste incompétente sur le fond de la question, et je vous prie de m'en excuser.

Monsieur Lejeune, nous veillerons à ce que la provision 2018 du plan Famille soit suffisante – elle s'élève à 22 millions. Si ce n'était pas le cas, j'annonce dès à présent que j'examinerai de quelle façon opérer des redéploiements, qui ne seront probablement pas majeurs.

Madame Krimi, vous avez parfaitement décrit le rôle essentiel de Cherbourg en matière de défense. Parce que cette ville et cette zone de la Manche jouent un rôle particulier, nous avons maintenu une préfecture maritime à laquelle il appartient de prendre en compte les risques et les menaces, en liaison avec les autorités locales et les pays riverains.

L'objectif du programme d'hélicoptère interarmées léger est de répondre, à moindre coût, à un large spectre de missions opérationnelles – en dehors des hélicoptères spécialisés Tigre, NH90 ou Caracal. Ce programme remplacera six types d'hélicoptères actuellement en service : Alouette III, Gazelle, Panther, Dauphin, Fennec et Puma. Développé par Airbus pour le marché civil, il sera adapté pour les besoins militaires avec le minimum de surcoût. Le calendrier et la cible de ce programme sont en cours de consolidation dans le cadre des travaux sur la prochaine loi de programmation militaire. Madame Bono-Vandorme, vous évoquez la possibilité de doter la gendarmerie de cet appareil. Cette question doit être posée à M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur.

L'une des avancées du plan Famille consiste à ouvrir aux conjoints le bénéfice du dispositif d'accompagnement professionnel Défense mobilité afin qu'ils puissent être accompagnés de la même façon que les militaires. D'autres éléments devront être négociés au cas par cas. Il faudra par exemple sensibiliser les administrations au cas des conjoints fonctionnaires – mais des règles sont déjà prévues pour faciliter leur avancement ou leur mutation.

Monsieur Rouillard, vous m'avez interrogé sur la MCO aéronautique et la rénovation des Atlantique 2. Je ne reviens pas sur les immenses mérites de ces avions de patrouille maritime qui entrent dans le périmètre de l'audit que j'ai confié à M. Christian Chabbert. Quinze d'entre eux seront rénovés : le premier modèle devrait être livré en 2019, après trois commandes de rénovation prévues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018. Je compte poursuivre ce programme qui ne devrait pas être remis en cause par la prochaine loi de programmation militaire.

S'agissant du calendrier de la coopération structurée permanente, le Conseil européen de juin nous a donné une feuille de route claire visant à élaborer rapidement une liste d'engagements ambitieux et inclusifs pour les États membres qui souhaiteraient y participer, et à élaborer les règles de gouvernance. Le 21 juillet dernier, j'ai réuni mes collègues allemande, italienne et espagnole : nous avons produit une première liste d'engagements relatifs aux cinq domaines prévus par le traité. Depuis, cette liste a été affinée, et les règles de gouvernance ont été rédigées suivant le même processus. Lors de la dernière réunion interministérielle, à Tallinn, au mois de septembre, j'ai pu constater que ces initiatives ont été favorablement accueillies. Une dizaine d'États membres ont d'ores et déjà officiellement adhéré à cette coopération structurée permanente. Nous devrions terminer nos travaux d'ici à la fin de l'année.

Monsieur Le Gac, je crois avoir répondu de façon globale à votre question relative à la fidélisation des personnels et à l'accompagnement des conjoints, mais je connais la spécificité du cas des conjoints de marin. J'accorde une énorme importance à la visibilité des mutations en 2018. Cette mesure, qui n'a aucun impact budgétaire, changera profondément la perception par les familles des aléas liés aux mutations géographiques répétées à brève échéance. J'ai demandé que 80 % des mutations fassent l'objet d'une information et d'une notification cinq mois avant qu'elles interviennent. J'ai surtout l'intention d'assurer un suivi extrêmement précis de cette mesure.

La mutualisation des équipements européens est déjà assez fréquente. Elle se pratique par exemple dans les domaines du transport, du ravitaillement, ou de la police du ciel. La brigade franco-allemande est une réalité, de même que le corps expéditionnaire franco-britannique. Je souhaite que nous poursuivions et que nous approfondissions ces coopérations. J'ai pleinement conscience que cela passe d'abord par les équipements. Le fait de pouvoir compter à brève échéance sur un front européen de défense doit nous aider à définir une politique commune d'équipements futurs, ce qui va dans le sens d'une mise en commun. Au plan opérationnel, l'initiative européenne d'intervention, lancée par le président de la République au mois de septembre, constitue aussi une main tendue à nos partenaires européens.

La France dispose d'une industrie munitionnaire assez complète, et de qualité. Toutefois, s'agissant des petits calibres, elle a fait le choix, à la fin des années 1990, de ne pas maintenir une filière nationale. Le précédent gouvernement a réaffirmé le caractère essentiel de cette filière pour les intérêts de souveraineté et étudié la possibilité de la rétablir, à condition qu'elle soit compétitive, ce qui constitue un gage de pérennité. Le sujet est toujours en cours d'étude.

La cession de l'immeuble Saint-Thomas-d'Aquin, et celle de l'îlot Saint-Germain, pour sa première partie, ont fait l'objet d'une décote. La décote « Duflot », appliquée à l'îlot Saint-Germain, a pour contrepartie un programme social immobilier – cinquante logements sont réservés dans ce cadre. L'îlot Saint-Germain, évalué par les Domaines à 80 millions, a été cédé 30 millions.

J'ai enfin été interrogée sur l'ampleur du décalage entre les cessions immobilières réalisées par rapport à ce qui avait été budgété. Je me contenterai de souligner que le PLF pour 2018 est plus raisonnable que le précédent s'agissant des provisions au titre des cessions immobilières : elles passent de 250 à 190 millions d'euros. Cela va une nouvelle fois dans le sens d'une plus grande sincérité budgétaire.

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