Intervention de Brigitte Kuster

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBrigitte Kuster :

Au nom du groupe Les Républicains, je tiens à féliciter le rapporteur Bruno Studer de ce texte par lequel il s'est saisi d'un enjeu majeur : l'encadrement de l'exploitation commerciale de l'image d'enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne.

En effet, si YouTube se décrit habituellement comme une plateforme n'étant pas destinée aux enfants de moins de 13 ans, elle est aujourd'hui le vecteur d'une exploitation commerciale des mineurs au travers de vidéos où se mêlent rémunération, placement publicitaire ou quasi-travail, hors de tout contrôle légal.

Ce phénomène de société s'est particulièrement développé ces dernières années. Certaines chaînes YouTube mettent d'ailleurs en scène presque quotidiennement des enfants, lesquels peuvent être suivis par des millions d'abonnés. Elles dégagent grâce à ces contenus des revenus importants pouvant atteindre jusqu'à 50 000 euros par mois.

Ce « vlogging », dérivé du mot-valise « vlog », contraction de blog et de vidéo, pose des questions majeures d'ordre juridique, telles que la protection de la vie privée des enfants, la licéité de leur exposition à des messages publicitaires pas toujours explicites, et l'exploitation de leur caractère influençable.

Comment le législateur pourrait-il ne pas s'inquiéter d'abord de la protection des enfants quand l'activité de production de telles vidéos atteint des volumes horaires importants ou surexpose les enfants à la publicité, alors même que celle-ci est très encadrée à la télévision aux heures de diffusion des programmes destinés aux plus jeunes ?

Le vlogging pose également la question de l'encadrement des rémunérations tirées du placement publicitaire, des publicités et des produits dérivés.

Cette proposition de loi s'inscrit dans une démarche positive : elle vise non pas à interdire cette pratique, mais à l'encadrer de manière à préserver le développement psychologique des enfants de la surmédiatisation et de la surexposition aux écrans.

L'exposition de la vie privée concerne des enfants de plus en plus jeunes, et aux vecteurs classiques que sont Facebook, Snapchat ou Instagram s'ajoutent de nouvelles formes telles que le vlogging. Cette pratique s'accompagne d'une forte pression sociale et d'une course aux « j'aime », au nombre de vues d'une chaîne ou d'une vidéo.

Cette pression et le rythme qu'impose la poursuite de la célébrité sont potentiellement dévastateurs et ont des conséquences avérées sur la santé et le développement des enfants.

Le groupe Les Républicains considère en outre que les enfants n'ont pas vocation à se transformer en télévendeurs, et que ces pratiques doivent rester secondaires. Le risque de dérive ne faisant l'objet d'aucun encadrement par le droit en vigueur, notre groupe se réjouit particulièrement des nouvelles dispositions prévues par le texte, qui visent à renforcer la législation en s'inspirant du cadre protecteur applicable aux enfants mannequins.

L'article 3, qui fixe un volume de vidéos et un niveau de revenus à partir desquels l'activité de diffusion doit obligatoirement être déclarée auprès de l'autorité administrative, élargit la portée de ce cadre juridique. Les durées de travail pourront ainsi être limitées, et l'enfant bénéficiera à sa majorité du versement d'une partie des revenus tirés de la diffusion, conservés sur un compte à la Caisse des dépôts et consignations. À l'heure actuelle, rien ne garantit à un enfant qui participe à des vidéos générant des revenus qu'il recevra le moindre euro.

L'examen de cette proposition de loi me donne l'occasion de rappeler que, pour les députés du groupe Les Républicains, l'enfance est un stade crucial du développement et ne saurait se transformer en une période d'activité professionnelle pour assouvir les désirs parentaux de profit. C'est ce qui avait conduit à l'adoption en 1963 de la loi relative à l'emploi des enfants dans le spectacle, et des dispositions renforçant ce régime ont été introduites à notre initiative en 2007 et en 2008.

Nous sommes évidemment attachés à la liberté sur internet, mais il est aussi de la responsabilité du législateur de protéger les plus fragiles. Face à l'appât du gain et d'une rémunération potentiellement importante et en apparence facile, notre rôle est donc de garantir une protection aux plus vulnérables.

Enfin, l'application du droit à l'oubli, rendue de plus en plus effective pour les adultes, doit bénéficier également aux enfants. À cet égard, l'article 5 est une avancée notable pour les droits des auteurs de vidéos.

En conclusion, le groupe Les Républicains est favorable à cette proposition de loi.

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