Intervention de Bertrand Pancher

Réunion du mercredi 5 février 2020 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Pancher :

La France est riche de sa diversité linguistique patrimoniale, la plus grande de celle de tous les pays d'Europe occidentale.

Rappelons-le, si la richesse linguistique de la métropole est considérable avec les langues de trois familles indo-européennes différentes – latine, germanique et celte, plus le basque –, que dire de celle de l'outre-mer ? On ne peut pas dire pour autant que la France soit un pays de langues. Nous assistons en effet depuis des décennies, à des degrés variables, à une perte rapide de ses capacités. Cette richesse a en effet été longtemps combattue et la France peine aujourd'hui à reconnaître sa diversité linguistique et à mettre en place des politiques linguistiques appropriées, ce qui explique ce déclin alarmant.

Ce riche patrimoine pourrait être notre fierté. Or la construction politique de notre pays s'est paradoxalement faite par la négation de la diversité linguistique. Quelle erreur ! Aujourd'hui encore, la France est l'un des seuls pays d'Europe où les langues régionales ne bénéficient pas de véritables mesures de protection et de promotion assurant leur pérennité. Elle est l'un des derniers pays d'Europe à ne pas avoir ratifié la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, pourtant obligatoire pour tout nouveau pays souhaitant entrer dans l'Union européenne.

Comme le rappelait Michel Guillou, qui a été premier recteur de l'Agence universitaire de la francophonie et fondateur du réseau international des chaires Senghor de la francophonie, le multilinguisme est à la démocratie culturelle, ce que le multipartisme est à la démocratie politique. Le pluriel linguistique croît rapidement. Le multilinguistique est moderne ; la langue unique est un concept maintenant dépassé. La langue française doit lier son destin à l'essor du multilinguisme, préalable au maintien de la diversité culturelle dont elle est un des fers de lance.

En militant pour le multilinguisme, du local à l'international, et en France même, on assurera la pérennité de la langue française, en trouvant là l'un des fondements de son attrait comme grande langue internationale et moteur de son rayonnement.

Nous sommes donc dans un cadre légal qui oscille entre franche hostilité et timide reconnaissance. La récente réforme du baccalauréat, qui a vu le nombre d'inscrits dans les filières en langue régionale drastiquement baisser, témoigne des grandes difficultés dont fait preuve l'État pour ne serait-ce que maintenir un même niveau d'enseignement au lycée, alors qu'il a pourtant mis les moyens nécessaires pour les langues mortes, le grec et le latin.

Pour protéger ces langues bien vivantes, il convient de préciser le sens de l'article 75-1 de la Constitution, qui fait des langues régionales le patrimoine de la Nation, afin qu'il ne reste pas un ensemble vide. Le législateur doit continuer à définir les premiers éléments de ce statut, en précisant quelles mesures la patrimonialisation des langues régionales appelle dans notre Constitution.

Il faut considérer que les langues régionales constituent, au même titre que la langue française, une part essentielle du patrimoine immatériel linguistique. À ce titre, elles doivent bénéficier de politiques de conservation et de connaissance, au même titre que le patrimoine immobilier. Il convient ainsi de saisir l'urgente nécessité de les protéger et de les mettre en valeur pour les générations futures.

Cette protection et cette mise en valeur passent par une politique transversale de l'État et des collectivités territoriales, non seulement dans le patrimoine mais aussi dans des domaines aussi différents que l'enseignement, la signalétique ou encore les prénoms et noms de famille. Les langues régionales doivent pouvoir trouver une place plus importante dans notre société.

Chers collègues, je vous invite donc à voter cette proposition de loi de notre collègue Paul Molac, que l'ensemble des membres de notre groupe Libertés et territoires soutient.

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