Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du mardi 11 février 2020 à 15h00
Code de l'urbanisme de saint-martin — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

L'objectif du projet de loi que nous examinons aujourd'hui est de ratifier l'ordonnance, prise dans le cadre de l'article 74-1 de la Constitution, qui concourt au renforcement de la base légale du code de l'urbanisme local – qui relève de la compétence de la collectivité de Saint-Martin – afin de sanctionner pénalement les infractions et de favoriser une reconstruction prévenant les risques liés aux phénomènes climatiques et respectant les exigences urbanistiques et environnementales.

Plusieurs comportements seraient maintenant incriminés, tels que l'exécution de travaux non conformes au plan local d'urbanisme – PLU – , ou l'obstruction aux missions de contrôle exercées par les autorités, fonctionnaires et agents habilités. Le ou la juge aurait également la possibilité d'ordonner l'interruption des travaux, la démolition, la mise en conformité et la réaffectation des sites.

Ces nouvelles mesures visent à mieux protéger les populations et à préserver les écosystèmes fragiles de Saint-Martin, afin de mieux appréhender d'éventuelles futures catastrophes naturelles. L'île fait en effet face à de nombreux problèmes environnementaux, mais aussi sociaux, conjoncturels et structurels.

En novembre dernier, le rapport du Sénat sur les risques naturels majeurs dans les outre-mer faisait ainsi le bilan d'une reconstruction à Saint-Martin qui, deux ans après le passage de l'ouragan Irma, était encore « loin d'être achevée ». Celle-ci n'était réalisée qu'à 49 % à Saint-Martin, contre 87 % à Saint-Barthélemy.

Plusieurs recommandations sont formulées dans ce rapport. Pour faciliter la reconstruction d'un point de vue économique, il serait nécessaire de faire bénéficier les entreprises locales de la dynamique de reconstruction ; d'éviter les tensions sur le marché des matériaux ; de surveiller et d'amoindrir la hausse des prix grâce à des exonérations ciblées. Pour assurer une reconstruction de qualité, il est recommandé de réaliser un bilan à l'issue d'une catastrophe naturelle afin de constater les forces et faiblesses du bâti et des pratiques de construction existants ; de ne pas nécessairement privilégier la reconstruction à l'identique ; et de veiller à la bonne application des recommandations et consignes en matière de construction, avec la rédaction et la diffusion de guides de bonnes pratiques. Il conviendrait enfin de contrôler la reconstruction et plus particulièrement les indemnisations versées, lesquelles devant permettre une reconstruction dans les règles et qui améliore la résistance du bâti.

Or les préconisations ne sont, pour l'heure, pas totalement prises en considération. Par ailleurs, la révision du plan de prévention des risques naturels, préparée par les services de l'État pour réduire la vulnérabilité de la population et l'incidence des prochains ouragans, ne satisfait pas la population et la collectivité de Saint-Martin. Mi-décembre, les principaux axes de l'île ont été bloqués pendant plus d'une semaine en opposition à cette révision du plan de prévention des risques naturels. Celle-ci prévoyait des zones rouges non constructibles sur des territoires densément peuplés sans tenir compte, selon les habitantes et habitants, de la réalité sociale, historique et culturelle de l'île.

La commission d'enquête publique a donné un avis favorable à la révision du plan de prévention, jugeant qu'elle était d'utilité publique malgré le nombre important d'avis défavorables dans la population. Plusieurs cas problématiques ont toutefois été dénoncés, comme celui de personnes ayant vu leur habitation détruite par l'ouragan et à qui l'on impose, sans concertation, de ne pas reconstruire sur le terrain qu'elles possédaient – ces zones rouges concernant des zones densément peuplées. En cause également l'obligation de mise en conformité des habitations dans un délai de cinq ans et celle de fournir un titre de propriété afin d'obtenir une autorisation des services de l'urbanisme, alors même que la plupart des habitations étaient de type informel.

À la suite des manifestations et des blocages, une mission de concertation a été lancée mi-janvier, laquelle doit présenter son rapport aux ministères de l'environnement et des outre-mer en mars prochain. Les habitantes et les habitants demeurent cependant dans l'incertitude étant donné qu'elles et ils ne savent pas si le Gouvernement suivra les recommandations qui lui seront faites et à quel point leurs revendications seront prises en considération.

Je remercie Mme la ministre d'avoir éclairé la représentation nationale sur ce sujet, mais il nous semble que, d'une certaine manière, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui procède à l'envers en prévoyant un système de sanctions pénales avant que des solutions concrètes et pérennes ne soient proposées aux habitantes et habitants qui ont été victimes d'un ouragan et à qui on demande de quitter leur habitation. Les mesures de sanction ignorent et risquent donc de renforcer les difficultés sociales et économiques auxquelles fait face de manière structurelle une importante partie de la population.

Comme le relevait l'Agence française de développement en 2018, on trouve à Saint-Martin « un taux de chômage de 33 % (avant le cyclone), un PIB par habitant deux fois et demie plus faible qu'en métropole, 120 nationalités, une population multipliée par 4,5 entre 1982 et 2015 et marquée par une immigration importante, 60 % de constructions édifiées sans permis de construire. Les dégâts importants du cyclone Irma ont donc mis en lumière et exacerbé des problèmes en grande partie hérités du passé. »

Aucune politique d'adaptation au changement climatique ne réussira sans l'adhésion et l'implication du plus grand nombre. À Saint-Martin comme ailleurs en France et dans le monde, l'urgente bifurcation écologique que défend La France insoumise doit impérativement articuler justice sociale et environnementale ; c'est à cela que nous appelons aujourd'hui le Gouvernement.

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