Intervention de Jean-Charles Colas-Roy

Séance en hémicycle du mercredi 12 février 2020 à 15h00
Citoyen sauveteur — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Colas-Roy, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je voudrais tout d'abord remercier l'ensemble des députés, issus de tous les rangs, d'avoir adopté en première lecture à l'unanimité, il y a presque un an jour pour jour, cette proposition de loi visant à lutter contre l'arrêt cardiaque et contre les 40 000 à 50 000 décès inopinés qui en découlent chaque année.

L'objectif est à la fois d'engager chacun à agir dans l'urgence qu'impose l'arrêt cardiaque et de placer un sujet dont on ne parle pas assez au coeur de nos préoccupations. C'est l'honneur de notre Assemblée que d'avoir soutenu ce texte à l'unanimité.

Je voudrais aussi souligner que c'est la première fois dans l'histoire de l'Assemblée que la procédure de législation en commission est engagée sur un texte. Je remercie les commissaires aux lois, qui ont adopté les propositions que je leur ai soumises lors de l'examen du texte en commission, le 29 janvier.

Chaque année, 40 000 à 50 000 personnes sont victimes d'une « mort subite » – c'est ainsi que l'on appelle l'arrêt cardiaque inopiné ou soudain. Il s'agit d'un nombre de décès dix fois supérieur à celui des décès provoqués par les accidents de la route. Or on en parle encore trop peu. On considère en effet trop souvent que l'arrêt cardiaque est une fatalité et que l'on ne peut rien faire. C'est faux !

Permettez-moi de bien préciser l'objet de ce texte : il concerne l'arrêt cardiaque sans symptôme avant-coureur, la personne qui s'effondre dans la rue, au travail ou à son domicile. Nous avons tous, de près ou de loin, été concernés par ce type d'arrêt cardiaque brutal : il touche nos familles, nos parents, nos voisins, nos collègues, nos camarades sur les terrains de sports. Un tiers des victimes ont moins de 55 ans.

Aujourd'hui, nous voulons en finir avec ce sentiment de fatalité : nous pouvons tous sauver des vies, nous pouvons tous lutter contre l'arrêt cardiaque. Le citoyen, le premier témoin, est le maillon essentiel de la chaîne de secours et son action est déterminante pour la survie de la victime.

Actuellement, plusieurs applications mobiles se développent, qui permettent de solliciter les proches et les voisins d'une personne qui s'effondre, victime d'un arrêt cardiaque. Il est de notre devoir d'encourager ces initiatives et de favoriser l'intervention des citoyens pour gagner de précieuses minutes avant l'arrivée des secours professionnels.

Nous devons encourager, désacraliser l'acte de premier secours et protéger. Pour encourager, il faut former et sensibiliser. Alerter, masser et défibriller sont trois gestes simples qui s'apprennent en deux heures et sauvent des vies. Nous parviendrons à désacraliser les premiers secours en expliquant qu'il est simple et sans risque de se former et d'intervenir. Pour protéger, le texte vise à créer le statut de citoyen sauveteur.

Le Sénat a apporté de nombreuses modifications à cette proposition de loi. Dans une attitude constructive, la commission des lois en a conservé certaines, tout en rétablissant quelques dispositions que nous avions adoptées en première lecture, en cohérence avec l'objectif premier : lutter contre l'arrêt cardiaque et sensibiliser aux gestes qui sauvent.

Lorsque le coeur s'arrête, on entame une véritable course contre la montre. Chaque minute qui passe sans action diminue de 10 % les chances de survie de la victime. Au bout de trois minutes, les premières séquelles irréversibles apparaissent. Au bout de dix minutes, sans gestes de premiers secours, on estime que les chances de survie sont presque nulles.

Trois constats fondamentaux sont à l'origine du statut de citoyen sauveteur. En France, en moyenne, les secours professionnels mettent treize minutes à atteindre le lieu d'un accident : ils arrivent donc trop tard en cas d'arrêt cardiaque. Nous savons également que dans 70 % des cas, les arrêts cardiaques inopinés surviennent en présence d'un témoin – un voisin, un proche, un collègue, un passant.

Le taux de survie est actuellement seulement de 5 % à 7 % en France. Si nous parvenons à le porter à 12 % ou 15 %, nous sauverons plus de 3 000 vies chaque année, soit l'équivalent du nombre de décès par accidents de la route. L'enjeu est considérable.

Les professionnels de santé et de secours que Hugues Renson et moi avons rencontrés pendant les deux ans qu'a duré l'élaboration du texte ont souligné l'importance d'engager nos concitoyens à intervenir et à pratiquer le massage cardiaque, dès les premières secondes. Pour y parvenir, nous avons voulu définir un statut particulier, afin de protéger les citoyens qui effectuent les gestes de premiers secours dans les premières minutes, déterminantes pour la survie de la victime.

Nous avons également voulu reconnaître, par ce statut, l'engagement citoyen de ceux qui agissent de façon bénévole. C'est pourquoi nous avons choisi l'expression « citoyen sauveteur » : ce terme souligne l'acte de civisme de celui ou celle qui porte secours et il précise les protections civiles et pénales dont bénéficie le citoyen au moment où il vient en aide à autrui.

Soyons clairs : ce statut ne protège le citoyen que lorsqu'il agit, et qu'il agit de bonne foi. Le citoyen sauveteur possède alors la qualité de collaborateur occasionnel du service public.

Je voudrais également souligner que les associations, les parties prenantes et les acteurs du monde du secourisme et de la sécurité intérieure se sont déjà approprié ce statut de citoyen sauveteur et utilisent l'expression pour désigner les premiers témoins bénévoles qui portent secours et qui effectuent le massage cardiaque. Nous avons donc rétabli les termes « citoyen sauveteur » à l'article 1er et dans le titre de la proposition de loi.

Nous avons jugé important de restaurer aussi les dispositions relatives à la sensibilisation au massage cardiaque à différents stades de la vie. Nous avons donc rétabli l'article relatif à la création d'un continuum éducatif entre le premier et le second degré. La classe de sixième est un moment clé de l'apprentissage pour les enfants, après qu'ils ont appris à l'école primaire à alerter en cas d'accident et avant qu'ils reçoivent la formation de prévention et secours civiques de niveau 1 – PSC1 – en fin de troisième.

Nous avons aussi rétabli la possibilité pour un salarié de bénéficier, avant son départ à la retraite, d'une sensibilisation aux gestes qui sauvent. Pour atteindre l'objectif fixé par le Président de la République de former 80 % de la population en dix ans, nous devons réussir à impliquer les actifs et les seniors.

Enfin, nous avons enfin rétabli l'article 12 bis, qui vise à rendre publics et accessibles numériquement sept indicateurs relatifs à l'arrêt cardiaque, afin notamment de mieux évaluer et contrôler l'évolution du taux de survie et le nombre de massages cardiaques pratiqués par des témoins avant l'arrivée des secours.

Permettez-moi de saluer à nouveau le travail et l'engagement de tous ceux qui viennent en aide : citoyens, associations de protection civiles, médecins, urgentistes, pompiers, professionnels de secours. À tous ceux qui sont en première ligne au quotidien pour sauver des vies : merci !

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