Intervention de Julien Denormandie

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 9h00
Financement des infrastructures de téléphonie mobile — Présentation

Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement :

S'agissant du new deal qui est l'objet de la proposition de loi, je voudrais dresser un bilan et évoquer le ressenti du terrain avant de tirer des enseignements.

Au bilan du New Deal, il faut porter le fait que, depuis le mois de janvier 2018, 5 111 sites sont passés des anciennes technologies à la 4G. Au total, à la fin de l'année 2020, 10 000 villages, bourgs ou territoires auront bénéficié de cette évolution. Un rythme si élevé n'est possible, j'y insiste, que grâce à l'implication des collectivités. Ce déploiement s'opère en modifiant l'équipement actif des pylônes en place sans qu'il soit nécessaire d'en installer de nouveaux.

Il faut évoquer les nouveaux sites, les nouveaux pylônes, les fameux 5 000 sites que chaque opérateur à l'obligation d'installer – certains devant être mutualisés. On estime que 10 000 à 15 000 nouveaux pylônes seront construits sur notre territoire – ce sera probablement 12 000 pylônes. Songez qu'en 2016, lors du lancement du énième plan de lutte contre les zones blanches – je m'en souviens, j'étais présent – , on prévoyait 600 pylônes supplémentaires ! De 600 à 12 000, vous constatez à quel point les ambitions diffèrent et combien la nôtre est forte.

Depuis 2018, 1 361 sites ont été notifiés aux opérateurs, qui doivent les construire dans un délai de deux ans ; 485 de ces sites doivent fonctionner avant juin 2020. Au moment où je vous parle, 37 pylônes fonctionnent, et des travaux sont en cours pour en installer 123 autres. Comme vous l'avez proposé, monsieur Vigier, ainsi que M. Roland Lescure, président de la commission des affaires économiques, je serai heureux de partager avec vous le bilan qui sera établi à la fin du mois de juin.

Lorsque j'ai signé le new deal, en janvier 2018, j'ai imposé que ce soit sous le sceau de l'ARCEP, pour que cet accord ne constitue pas un simple recueil d'engagements de bonne volonté entre un Gouvernement et des opérateurs, contrairement à ce qui se passait auparavant.

Il fallait qu'il y ait des engagements contraignants pris sous le contrôle de l'ARCEP, véritable gendarme qui dispose d'un pouvoir de sanction très fort, de la possibilité de mettre en demeure, et qui exerce une vigilance totale. L'ARCEP est indépendante, mais elle connaît ma position : je souhaite que l'ensemble des sanctions soient prises si les opérateurs ne respectent pas leurs engagements. Il faut appliquer pleinement l'article L. 36-11 du code des postes et des communications électroniques. Je serai extrêmement vigilant afin que les déploiements aient bien lieu.

J'en viens aux remontées de terrain. M. Vigier sait que je ne me cacherai jamais derrière mon petit doigt : il nous revient du terrain que tout cela ne va pas assez vite. Seulement 37 sites fonctionnent aujourd'hui sur les 485 prévus d'ici au mois de juin parce que les projets en cours sont nombreux. Évidemment, les quatre mois et demi qui nous restent permettront de les mener à bien.

Le new deal comportait la possibilité que le délai de deux ans soit ramené à un an. Cela nécessite que la collectivité mette des terrains viables à disposition des opérateurs. Sur les 485 sites, seulement deux collectivités ont choisi cette option, ce qui montre que nous avons encore des progrès à faire pour accélérer le déploiement. Nous avions déjà eu ces discussions lorsque nous débattions du projet de loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dit loi ELAN, en particulier de son volet numérique.

Il n'en reste pas moins qu'un sentiment s'exprime : le déploiement n'est pas assez rapide. Comment faire ? Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour : il faut faire en sorte que les 485 sites fonctionnent, et qu'aux 5 111 sites déjà en 4G s'ajoutent les quelque 5 000 autres sites prévus. Il faut aussi que les équipes projet puissent imposer la localisation du pylône. Je connais votre implication sur votre territoire en la matière, monsieur Vigier ; je sais que vous étiez présent lors de la dernière réunion d'équipe projet, il y a quelques jours.

Hier, lorsqu'un accord était passé avec les opérateurs, on leur demandait d'installer 600 pylônes en les laissant libres de le faire où ils le voulaient. Pis, ils n'avaient pas d'obligation en matière de raccordement du pylône, et ils ne payaient que l'équipement actif – le pylône était à la charge de la collectivité. Résultat : sur les 600 sites prévus par le programme de 2016, à peine une centaine de pylônes sont aujourd'hui actifs. Sur les quelque 12 000 pylônes du nouveau programme, 485 doivent fonctionner en juin, et plus de 1 300 seront en place dans les tout prochains mois. À terme, 12 000 sites seront bel et bien installés.

Enfin, j'en viens à la question fondamentale que pose votre proposition de loi : comment faire pour accélérer le déploiement ? Elle propose de modifier le droit, d'une part, en matière d'identification des sites, d'autre part, en matière de financement.

Votre proposition de loi me semble exprimer une volonté très forte, que je partage, d'alerte et de suivi – la volonté de remettre de la pression dans le tube – l'expression est triviale mais l'action, nécessaire. Toutefois la loi doit-elle modifier certaines règles, comme vous le proposez ? Je crois, pour ma part, que non, pour deux raisons que je voudrais expliciter.

Dans les faits, l'identification des sites ne peut être effectuée que par l'équipe projet. Or le diable se cache dans les détails : l'équipe projet détermine le territoire où il faut implanter le pylône ; la décision quant au lieu précis doit passer non par la loi, mais par l'action sur le terrain.

Nous avons également une divergence d'appréciation sur le financement : j'estime qu'il est fondamentalement bon que celui-ci revienne aux opérateurs et non aux collectivités. Par ailleurs, rien n'empêche une collectivité de participer au financement.

Finalement, le résultat relève d'un rapport de forces entre l'État, les collectivités et les opérateurs. Et cette expression n'a rien de péjoratif : les rapports de forces font avancer les choses. Ayant l'intime conviction que ce n'est pas la loi qui permettra d'accélérer le déploiement du mobile, je vous proposerais volontiers de créer ce rapport de forces avec les opérateurs, sous les auspices de mon ministère, en ma présence, grâce à tous les dossiers locaux que vous, députés, faites remonter au fur et à mesure. Je vous propose de convoquer, avant la fin du mois de février, tous les opérateurs concernés et tous les députés qui le souhaitent dans mon ministère, afin de débattre de l'ensemble des difficultés que vous observez sur le terrain – à la seule condition que vous me les communiquiez à l'avance, pour que je puisse les transmettre aux opérateurs. Ceux-ci devront vous rendre compte directement de tous les projets, en ma présence ou en présence de mes équipes. C'est ainsi qu'on avance dans la vie : un peu de pression dans le tube est nécessaire, surtout s'agissant d'un enjeu aussi essentiel que le déploiement du numérique et de la téléphonie mobile pour nos concitoyens.

Voilà la proposition que je vous fais, monsieur le président Vigier, en vous remerciant, vous et le groupe Libertés et territoires, d'avoir mis à l'ordre du jour ce sujet, qui relève d'une impérieuse nécessité et fait l'objet, de ma part, d'un engagement que vous connaissez.

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