Intervention de Jeanine Dubié

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 9h00
Justice sociale — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJeanine Dubié :

Pour son premier ordre du jour réservé, le groupe parlementaire, Libertés et territoires a la volonté de traduire en actes l'ambition et l'objectif qui nous rassemblent : lutter contre les fractures qui parcourent notre pays et en menacent la cohésion. L'année qui vient de s'écouler a été particulièrement marquée par d'intenses mobilisations sociales – mouvement des gilets jaunes ou manifestions contre la réforme des retraites – , qui cristallisent des préoccupations grandissantes au sein de notre société depuis plusieurs années.

Partout sur le territoire national, la persistance voire l'aggravation des inégalités sociales alimente un sentiment d'injustice croissant et menace ainsi notre cohésion sociale. C'est pourquoi nous devons faire notre priorité du combat contre les difficultés auxquelles sont confrontées les populations les plus vulnérables et les plus frappées par la précarité et l'isolement.

Cette proposition de loi, défendue par notre rapporteur Yannick Favennec Becot, témoigne de notre ambition, modeste mais déterminée, d'améliorer le quotidien des plus vulnérables pour renforcer leur autonomie. Ce texte ne prétend pas répondre à l'enjeu, plus vaste, de l'avenir de notre modèle social face au défi du vieillissement de la population et de la dépendance. C'est pourquoi il ne nous semble pas pertinent de nous renvoyer au projet de loi relatif au grand âge et à l'autonomie, comme vous l'avez fait, madame la secrétaire d'État. Le sujet de la dépendance et de l'autonomie ne concerne pas seulement le grand âge mais tous les âges de la vie.

Ce texte nous invite simplement à poser la question de la pertinence des dispositifs existants et, si possible, à agir vite pour les corriger et les enrichir, dans un objectif de justice sociale et fiscale. Il cherche à améliorer l'autonomie pour offrir des conditions de vie plus dignes à ces personnes particulièrement vulnérables. Aux difficultés liées à la dégradation de l'état de santé des personnes s'ajoutent des contraintes financières qui constituent autant d'obstacles à la capacité de ces dernières à s'en sortir. C'est à cette injustice que nous souhaitons nous attaquer.

La France est confrontée à un vieillissement structurel de sa population qui nous impose porter une attention particulière à la prise en charge de nos aînés, d'autant que les politiques publiques ne répondent pas suffisamment aux besoins. Or ces derniers ne cessent de croître, comme en atteste le dernier rapport paru à ce sujet, que nous avons tous lu : celui de Dominique Libault, issu de la concertation sur le grand âge et l'autonomie. Il nous apprend qu'à partir de 2030, il faudra prendre en charge 40 000 personnes en situation de dépendance de plus chaque année.

En plus des besoins de financements structurels, nous devons nous assurer des capacités financières des personnes pour ce qui est de l'accès aux soins. C'est pourquoi l'article premier de la proposition de loi prévoit d'améliorer le pouvoir d'achat des personnes âgées dépendantes résidant en EHPAD, dans un souci d'égalité et de justice sociale, pour les faire bénéficier des mêmes droits que les personnes âgées dépendantes bénéficiant de services à domicile.

Si nous estimons qu'il faut encourager le maintien à domicile, il n'en demeure pas moins que le reste à charge des personnes accueillies en établissement est bien trop important, au détriment des plus précaires et des plus dépendants. Selon une enquête de la DREES – la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé – , il atteint 1 850 euros par mois et surtout, il excède les ressources courantes des personnes âgées dans 75 % des cas. Ainsi, fin 2018, 11 % des résidents déclaraient devoir mobiliser leur entourage pour payer une partie de ces frais. En comparaison, à domicile, le rapport Libault indique que le reste à charge s'établit en moyenne à 60 euros par mois.

L'article 1er propose dès à présent une première solution : transformer l'actuelle réduction d'impôt pour frais d'hébergement en crédit d'impôt, sur le modèle du dispositif ouvert aux personnes âgées employant une aide à domicile. Le crédit d'impôt permet à la personne de recevoir un remboursement de la part des finances publiques, ce qui peut éviter de recourir à l'aide sociale à l'hébergement, qui implique des conséquences familiales et patrimoniales, tout en renforçant le droit à l'autonomie des personnes.

Je tiens particulièrement à saluer notre collègue Christine Pires Beaune, à l'origine de cette proposition lors des débats sur le dernier projet de loi de finances. Je la remercie d'ailleurs pour le soutien qu'elle nous apporte aujourd'hui ainsi que pour le travail très fourni qu'elle a réalisé. Son rapport nous a démontré, grâce à des données de la direction de la législation fiscale, que la réduction d'impôt en vigueur est anti-redistributive et mal ciblée. En particulier, elle ne bénéficie pas aux foyers fiscaux appartenant aux trois premiers déciles de revenus, c'est-à-dire aux foyers dont le RFR – le revenu fiscal de référence – est inférieur à 13 148 euros. La transformation de la réduction d'impôt en crédit d'impôt réglerait cet écueil et permettrait de diminuer le reste à charge des personnes vivant en EHPAD, au profit d'environ 370 000 foyers fiscaux.

Afin d'assurer la neutralité budgétaire de cette mesure, nous proposons que le droit au crédit d'impôt au titre de l'emploi d'une aide à domicile ne soit ouvert qu'aux ménages disposant d'un revenu fiscal de référence inférieur à 42 000 euros.

Le texte s'attache en outre à mieux répondre aux attentes des personnes en situation de handicap. Ce mardi 11 février, date anniversaire des 15 ans de la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, ces dernières ont d'ailleurs appelé à manifester devant les MDPH – maisons départementales des personnes handicapées – pour demander un meilleur accès à leurs droits ; c'est la preuve que le chemin est encore long.

Nous proposons de supprimer la comptabilisation des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH, l'allocation aux adultes handicapées.

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