Intervention de Éric Woerth

Séance en hémicycle du lundi 6 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2017 — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Par ailleurs, vous connaissiez la situation. Vous avez rappelé tout à l'heure l'histoire de cette taxe, monsieur le ministre ; en mai 2017, on savait déjà vers quoi l'on se dirigeait et nombre d'observateurs, comme Gilles Carrez, avaient pointé le risque du doigt. Pourquoi avez-vous manqué à ce point de prévoyance ? Pourquoi n'avez-vous pas anticipé ce scénario dès mai 2017 ? Vous mettez le Parlement devant le fait accompli, en lui demandant d'aller vite, alors que l'on pouvait traiter le sujet autrement. Faut-il y voir un grand instinct de communication ?

Pour rembourser les entreprises au plus vite, vous avez décidé de créer une contribution exceptionnelle, avec deux seuils, sur l'impôt sur les sociétés. Ce sont 320 entreprises qui seront ponctionnées pour rembourser les 5 000 entreprises concernées par la taxe sur les dividendes. Voilà un ratio injuste ! Beaucoup d'entreprises se verront rembourser moins que ce qu'elles devront acquitter au travers de cette nouvelle taxe, ce qui est anormal. Les entreprises perdantes seront au nombre de 223, dix d'entre elles le seront particulièrement.

Comme l'a dit Gilles Carrez, nous devons savoir avec précision quelles sont les entreprises qui seront pénalisées par cette taxe. En effet, nous avançons à l'aveugle. Si des entreprises – ou des associations de chefs d'entreprise – ont l'air, ou feignent, de s'en satisfaire, vous conviendrez avec moi que ce n'est en aucun cas satisfaisant. En effet, ce ne sont pas forcément les entreprises bénéficiant des plus gros remboursements de la taxe de 3 % qui auront à régler les contributions exceptionnelles les plus élevées. Cette histoire a un côté extraordinairement injuste. Au fond, on fait payer à la victime – celle qui a payé une taxe considérée aujourd'hui comme illégale – une autre taxe. D'autres entreprises, qui étaient moins concernées, souffriront grandement de cette taxe exceptionnelle.

Comme beaucoup d'entre vous, chers collègues, j'ai reçu des messages électroniques ou des courriers dénonçant certaines situations. Ainsi, une entreprise familiale qui avait réglé 1,1 million d'euros de taxe sur les dividendes au titre de 2016 et 2017, devra payer 16 millions d'euros de surtaxe exceptionnelle, soit quatorze fois la taxe de 3 % ! Il est très difficile d'expliquer cela aux entreprises. Où est la cohérence ? Où est l'équité face à l'impôt ? Il serait pour le moins judicieux de lisser les prélèvements de cette taxe sur deux exercices. Si l'on veut considérer qu'il existe une morale à la fable, on conclura que l'État a toujours un droit à l'erreur, alors qu'il est très rare que les entreprises et les particuliers en aient un.

À partir du moment où vous décidiez d'un tel collectif budgétaire, vous deviez en profiter pour traiter globalement la question en présentant un paquet sur deux ans, au lieu de vous contenter d'une solution partielle. En 2018, en effet, les 5 milliards ne seront pas couverts par les entreprises. Comment allez-vous faire ? Vous expliquez que l'État imputera l'effort sur le solde budgétaire, en prévoyant une augmentation du déficit. Vous pouviez aussi envisager que les 5 milliards restants soient financés par un effort d'économies, ou peut-être même par des ressources tirées de la croissance. En effet, avec cette croissance, dont bénéficie la France tout entière, mais qui sert bien également les intérêts de l'État, vous héritez d'une situation économique exceptionnelle.

Au-delà de nos interrogations concernant le solde budgétaire pour l'année prochaine, nous sommes particulièrement inquiets quant à l'image de la France. Cette surtaxe est un message catastrophique adressé à l'étranger. Le choix de cette contribution exceptionnelle est, quoi que vous en disiez, contradictoire avec le choix du Gouvernement de baisser l'impôt sur les sociétés. D'un côté, vous baissez l'impôt, de l'autre, vous l'augmentez. Vous direz que c'est là une réponse très ponctuelle à une crise. Mais qui vous croira ? Vous expliquerez que vous voulez bien diminuer la pression fiscale sur les entreprises, mais pas tout de suite, car il y a encore un problème à régler ?

Ce que comprendront, à juste titre, les investisseurs étrangers, c'est qu'en France on peut augmenter massivement la fiscalité au moindre coup de vent, que nul n'est à l'abri d'un coup de force fiscal. Voilà le message que vous envoyez aux investisseurs du monde entier ! Je ne pense pas que cela soit souhaitable.

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