Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 15h00
Fonds de garantie des victimes du terrorisme — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Que dire de plus de cette proposition de loi qui, on l'a répété, tend à revoir l'écriture de l'article 706-5 du code de procédure pénale ? La rédaction actuelle de cet article est en effet source d'un contentieux défavorable aux victimes, et elle est contraire à l'esprit de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Aussi le texte examiné aujourd'hui vise-t-il tout simplement à clarifier une disposition de notre code de procédure pénale afin de simplifier l'accès des victimes d'infractions parmi les plus graves à l'indemnisation à laquelle elles ont droit.

Aujourd'hui, aux termes de l'article 706-3 du code de procédure pénale, toute personne ayant subi un préjudice résultant de certaines infractions « peut obtenir la réparation intégrale des dommages qui résultent des atteintes à la personne », dès lors que ces faits « ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail égale ou supérieure à un mois » ou qu'ils relèvent des infractions suivantes : viol et autres agressions sexuelles, réduction en esclavage et exploitation de personnes réduites en esclavage, traite des êtres humains, proxénétisme, travail forcé et réduction en servitude, atteintes sexuelles sur mineur.

L'indemnité est allouée par la CIVI, sur proposition du FGTI. La demande d'indemnisation doit être présentée dans un délai de trois ans à compter de la date de l'infraction ; en cas de poursuites pénales, le délai est prorogé et expire un an après la décision de la juridiction ayant statué définitivement. L'indemnisation a pour objectif, sinon de gommer l'acte criminel que la victime a subi, du moins de replacer celle-ci dans une situation aussi proche que possible de celle qui était la sienne avant ledit acte.

La présente proposition de loi vise, dans sa précision rédactionnelle et procédurale, à remédier aux interprétations de la Cour de cassation et à améliorer les droits des victimes. Elle précise en effet le point de départ du délai d'un an dont celles-ci disposent pour demander une indemnité auprès de la CIVI.

Pour mémoire, les travaux préparatoires de la loi du 15 juin 2000 indiquaient que le délai d'un an courait à partir de l'avis donné par la juridiction ayant statué définitivement. Pourtant, telle n'a pas été l'interprétation retenue par la Cour de cassation en 2013, selon laquelle le délai d'un an ne courait pas à compter de la décision ayant statué positivement et définitivement sur l'allocation de dommages et intérêts, comme pour les autres cas prévus à l'article 706-5 du code de procédure pénale, mais à compter de la date de l'avis donné par la première juridiction qui les a alloués, même si sa décision n'est pas définitive.

Cette interprétation de la Cour de Cassation est peut-être juste formellement, mais elle désavantage les victimes qui se sont vu allouer des dommages et intérêts et ne peuvent attendre la fin de la procédure judiciaire qui les concerne pour saisir la CIVI.

Si nous votons la présente proposition de loi, seul l'avis rendu par la juridiction ayant statué définitivement pourra servir de point de départ au délai dont dispose la victime pour exercer sa demande en indemnité, et non plus l'avis rendu par la première juridiction qui a alloué des dommages et intérêts. La situation – vous l'avez dit en commission, madame la rapporteure – en sera plus simple, plus claire et plus favorable aux victimes que celle qui existe aujourd'hui, d'autant que le recouvrement des sommes allouées par les juridictions pénales est parfois déconcertant pour les victimes qui découvrent, bien souvent au dernier moment, qu'il leur appartient d'engager elles-mêmes les démarches visant à être indemnisées.

En clair, vous avez tenu, madame la rapporteure, à corriger une injustice que subissaient les victimes ; c'est une bonne chose – la nouvelle rédaction a du reste recueilli l'assentiment unanime des membres de la commission, ce qui mérite d'être souligné – , car l'indemnisation du préjudice subi, qui peut parfois paraître secondaire, contribue en réalité pleinement à la reconstruction des victimes. Je vous remercie donc de l'avoir fait.

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