Intervention de Josette Manin

Séance en hémicycle du jeudi 13 février 2020 à 15h00
Protection patrimoniale et promotion des langues régionales — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJosette Manin :

Le texte relatif à la protection patrimoniale des langues régionales définissait et proposait au départ trois domaines de référence : le patrimoine, avec la reconnaissance de l'intérêt patrimonial majeur des différentes langues, l'objectif étant qu'elles puissent bénéficier de politiques de conservation et de promotion confiées à l'État et aux collectivités territoriales ; l'enseignement, avec l'octroi de subventions et de locaux par les communes et leurs groupements aux établissements privés laïcs du primaire et du secondaire ; les services publics, avec le recours à une signalétique plurilingue et l'usage de signes caractéristiques de ces langues dans les actes d'état civil.

Au sortir de l'examen en commission, la proposition de loi ne contient plus que trois articles sur dix. En effet, les articles 3 à 7, qui devaient permettre l'extension de l'enseignement des langues régionales par le biais de conventions avec l'État, ont été supprimés. L'article 9 a connu le même sort. Les seuls rescapés sont l'article sur la reconnaissance et la protection patrimoniale des langues régionales en France – auxquelles l'article 75-1 de la Constitution concourait déjà – , et celui sur le recours à une signalétique et à un affichage dans la langue régionale en usage, à côté du français.

Nous nous retrouvons donc avec une proposition de loi adoptée en commission, mais largement vidée de sa substance. Ce texte devait permettre de reconnaître, de pérenniser et de promouvoir la diversité qui existe au sein de la République française, notamment à travers l'enseignement des langues régionales dans les régions hexagonales comme la Bretagne, la Corse et l'Occitanie. S'agissant de nos outre-mer, le vote de la commission revient à nier leur multiculturalité linguistique qui provient d'Europe, d'Asie, d'Afrique et d'Amérique.

Je rappelle que dans la Caraïbe cohabitent différents créoles : martiniquais, guadeloupéen, guyanais ou haïtien. Dans l'océan Indien, le créole est parlé à la Réunion et le shimaoré à Mayotte. Dans les îles du Pacifique sont parlées différentes langues tahitiennes. Oui, la France est multicolore et ces langues sont le symbole de son métissage culturel. Si on prend l'exemple des créoles, ils représentent un mélange de langues né du processus colonial, dont la base lexicale est française, anglaise, espagnole ou autre. D'ailleurs, on en dénombre 127 différents dans le monde, et le créole antillais compte quelque 10 millions de locuteurs. Je vous laisse imaginer l'importance que son enseignement revêt en matière de diplomatie culturelle et d'influence dans la Caraïbe. Les langues régionales sont un héritage de notre histoire commune, quels que soient les griefs liés à notre passé. En proposant de généraliser leur enseignement, c'est notre passé que nous protégeons, tout en ayant un regard vers l'avenir. Chacun comprendra que la diversité et l'histoire de notre République vivent pleinement à travers ces différentes langues dites minoritaires.

Cette proposition de loi, si elle avait été votée in extenso en commission, nous aurait permis de dépasser les réserves que le Conseil constitutionnel avait émises sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, tout en proposant des avancées cohérentes et fonctionnelles. Il n'en reste aujourd'hui que des symboles et des intentions. Malgré cela, en cohérence avec son vote en commission, le groupe Socialistes et apparentés votera pour la proposition de loi. Moin ka dit zot mèci.

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