Intervention de Stéphane Viry

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 16h00
Système universel de retraite — Motion de rejet préalable (projet de loi organique)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphane Viry :

Les députés ont offert aux Français un spectacle bien désolant qui pourrait, je le crains, les éloigner encore davantage de la représentation politique.

Pourtant, loin d'être inertes et de jouer l'immobilisme, les députés Les Républicains ont présenté un projet de réforme solide.

Nos propositions sont justes, équilibrées, financées, soutenables d'un point de vue budgétaire, pérennes et équitables. Nous voulons repousser l'âge légal de départ à la retraite à 65 ans afin d'assurer la pérennité du système. Cette mesure compliquée pourrait cependant générer environ 1,4 point de PIB d'économies, soit 30 milliards d'euros par an.

Nous voulons maintenir l'indexation des pensions au niveau de l'inflation ou revaloriser les petites retraites en les indexant sur les salaires, sanctuariser les droits familiaux en maintenant le double dispositif de majoration de trimestres et de majoration de la pension. Les salariés du public bénéficieraient ainsi de huit trimestres par enfant, comme dans le régime du privé, alors qu'ils n'en ont que quatre aujourd'hui.

Nous souhaitons préserver les pensions de réversion alors que vous prévoyez d'aligner les pensions de réversion du public sur celles du privé : 54 % de la retraite de base du conjoint défunt à partir de 55 ans.

Nous souhaitons également créer un régime universel de pénibilité qui permettrait à plus d'un million de Français, soit un salarié sur vingt, de partir avant l'âge légal.

Toutes ces mesures, nous les avons annoncées et elles se sont traduites par des amendements déposés en commission. Hélas, de tergiversations en mutisme, d'hésitations en dilettantisme, d'obstination en aphasie, vous n'avez écouté que vous-mêmes et, « en même temps », vous-mêmes. Or, permettez-moi de vous le dire, la représentation nationale n'est pas un entre soi qui débattrait avec son écho.

Comment pourrions-nous envisager de débattre d'un projet de réforme des retraites qui prévoirait d'établir des dépenses à plus de 30 % de la dépense publique, soit 300 milliards, sans une ligne concernant son financement ? C'est quelque peu circonspect et bien confondu que j'en appelle le Gouvernement et sa majorité à la raison. Toutes ces arguties n'ont qu'un seul dessein : vider de sa substance une réforme qui s'apparente à une tromperie.

Balayer d'un revers de la main la question essentielle, primordiale, du financement est d'une imprudence dangereuse et d'une inconscience déraisonnable. Certains collègues de la majorité l'ont bien compris, à l'image d'Émilie Cariou et de Laurent Saint-Martin qui s'inquiètent, à juste titre, du financement de cette réforme.

En discourant, en remettant à plus tard, sans fixer de calendrier, le problème du financement, vous prenez le risque de faire reposer sur les générations futures une lourde dette qu'ils ne pourront pas assumer. Le monde est en marche vers un avenir que vous allez contraindre.

Plus inquiétant encore, nous avons débattu en commission spéciale de mesures qui ne sont même pas chiffrées. Nous ignorons tout du coût total de votre réforme. Nous examinons un texte auquel il manque l'essentiel. Les questions liées au financement ont été légion mais aucun des membres du Gouvernement présent n'a su y répondre.

Pourtant, un haut-commissaire avait été nommé, il y a deux ans, pour établir un rapport. À quoi cela a-t-il servi ? Nous travaillons dans un flou législatif et financier des plus consternants. « Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément » écrivait Nicolas Boileau. Or rien n'est clair, tout est à revoir. Ce n'est pas seulement un député de l'opposition qui vous l'affirme, ce constat est corroboré par bien d'autres.

Fait inédit, le Conseil d'État lui-même, dans son avis, fait état d'un projet de loi lacunaire qu'il incombe au Gouvernement d'améliorer. Il ajoute que, du fait de la procédure d'examen en urgence et de la brièveté des délais qui en découlent, l'examen du texte ne peut aboutir dans les délais impartis, dans des conditions normales du moins. Plus percutant encore, le Conseil d'État a souligné qu'en raison de la date et des conditions de sa saisine, il ne pouvait exercer sa mission avec sérénité ni garantir avec sérieux la sécurité juridique d'un tel texte.

Cette situation est d'autant plus fulminante que ces projets de loi procèdent à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945. Elle transformera pour les décennies futures un système social qui est l'une des composantes majeures du pacte social auquel nous sommes tous viscéralement attachés. Rien n'a été assuré pour garantir la qualité de notre travail parlementaire dans l'élaboration des textes législatifs.

Le Gouvernement a prévu vingt-neuf ordonnances, situation sans précédent dans notre histoire. Cela concerne un tiers des mesures. Le recours aux ordonnances permettra au Gouvernement de définir des éléments structurants du nouveau système de retraites mais fera perdre la vision d'ensemble, primordiale pour apprécier les conséquences de la réforme et, surtout, sa constitutionnalité.

J'en viens au fond. L'universalité était la matrice du projet de réforme. Il n'aura cependant d'universel que le nom.

Le système universel par points, applicable à l'ensemble des salariés du secteur public comme privé, se substituera au régime de base et aux complémentaires.

Toutefois, le régime universel ne créera pas un ensemble unique pour l'intégralité de la population. En réalité, ce sera un système par points applicable à l'ensemble des salariés qui comportera des régimes dérogatoires. Nous sommes loin d'un système égal pour tous.

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