Intervention de Fabien Roussel

Séance en hémicycle du lundi 17 février 2020 à 16h00
Système universel de retraite — Motion référendaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel :

Déposer une motion référendaire est un acte rare et important, comme l'a rappelé solennellement le président Chassaigne. Nous soumettons celle-ci à votre vote avec soixante de mes collègues – soixante et un députés attachés à la démocratie, qui, dans leur diversité, considèrent que ce projet de loi procédant à une réforme du système de retraite inédite depuis 1945 ne peut s'imposer dans une telle confusion et selon un tel calendrier.

Cet acte pose la question de la souveraineté du peuple et du rôle du Parlement. Depuis l'avènement du quinquennat et l'élection des députés, dans la foulée de celle du Président de la République, du fait de l'inversion du calendrier, de quels moyens nos concitoyens disposent-ils pendant cinq ans pour exprimer leurs opinions, pour exercer leur souveraineté, pour refuser une réforme qu'ils estiment injuste ? C'est une vraie question qui nous est posée aujourd'hui.

La Constitution française est là pour nous rappeler les principes fondamentaux de la souveraineté nationale, et cela dès son article 1er. Après quoi, elle affirme à l'article 3 : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » Elle pose le principe de la République comme étant le gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple. Elle rappelle enfin que cette souveraineté est une et indivisible, puisqu'aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice.

Dès lors, comment sortir de la crise dans laquelle notre pays est enfoncé depuis plus de soixante-dix jours en raison de la présentation de votre projet de loi ? Convenons qu'une telle mobilisation est inédite sous la Ve République. Jamais on n'avait vu descendre dans la rue autant de professions différentes du public comme du privé : ouvriers, avocats, cadres, enseignants, personnels soignants, étudiants, pompiers, personnalités du monde de la culture et de la création, professions libérales et tant d'autres encore crient leur inquiétude et leur incompréhension.

Toutes les organisations syndicales se montrent toujours déterminées à obtenir de véritables négociations pour améliorer notre système de retraite, et non pour le casser, comme le texte prévoit de le faire, aux termes d'une réforme paramétrique qui demanderait aux Français de travailler plus longtemps.

Le Gouvernement nous rappelle tous les jours que le dialogue est ouvert depuis plus d'un an. Mais alors, pourquoi nos concitoyens sont-ils toujours aussi nombreux à demander le retrait de la réforme ? Les doutes et les interrogations des syndicats s'ajoutent à ceux du Conseil d'État. Des formations politiques très différentes de gauche et de droite, des parlementaires, même parmi la majorité, soulèvent tant de questions, qui ne reçoivent toujours pas de réponse… Quel est son financement ? Pourquoi y a-t-il tant de trous dans cette réforme, tant de zones blanches, par exemple sur le calcul du point ou sur la prise en compte de la pénibilité ? Pourquoi prévoyez-vous un recours aussi massif aux ordonnances ?

À ces zones d'ombre s'ajoute un calendrier à marche forcée incompatible avec un examen serein et approfondi de la réforme. Vous avez choisi d'étudier le texte en procédure accélérée mais, dès lors que ses premiers effets se feront sentir en 2022, on n'est pas à deux mois près ! Une réforme de notre système de retraite, qui concerne tous les Français et toutes les générations, mérite que nous lui accordions tout le temps qu'il faut, avec l'objectif de rassembler la nation, comme le fit Ambroise Croizat en 1946.

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