Intervention de élisabeth Borne

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

élisabeth Borne, ministre chargée des transports :

Mesdames les présidentes, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, avant de vous présenter rapidement les grands objectifs et les grands axes de cette mission budgétaire pour l'année 2018, je voudrais souligner qu'il s'agit d'un budget de transition. Nous attendons en effet que se concluent les chantiers que j'ai ouverts dès mon arrivée au ministère, et nous avons été heureux de constater qu'ils suscitaient de nombreuses contributions et une mobilisation de multiples acteurs, confirmation de l'importance que revêtent les transports et de la mobilité aux yeux de nos concitoyens.

Après le lancement des Assises nationales de la mobilité, le projet de loi de finances pour 2018 marque une nouvelle étape de la réorientation que nous avons engagée en faveur des transports du quotidien et de la remise à niveau des réseaux existants.

Il vient conforter les cinq grands axes que j'ai définis dans ma feuille de route : premièrement, mettre en place une stratégie des mobilités adaptée aux besoins de toutes les populations et de tous les territoires ; deuxièmement, rétablir un financement réaliste de nos infrastructures ; troisièmement, veiller à ce que l'ouverture à la concurrence du ferroviaire soit bénéfique pour l'ensemble du secteur ; quatrièmement, soutenir les filières logistiques et industrielles ; cinquièmement, relever les nouveaux défis en matière de sécurité et de sûreté et améliorer l'efficience de l'action publique.

Je vais m'attacher à vous exposer la traduction budgétaire de chacun de ces cinq axes.

Les Assises nationales de la mobilité se déroulent cet automne et déboucheront sur une loi d'orientation sur les mobilités, qui sera présentée au Parlement au début de l'année 2018. Cette loi permettra d'amplifier la dynamique que nous avons imprimée dès cette loi de finances et de l'inscrire dans la durée : priorité donnée aux transports de la vie quotidienne ainsi qu'à l'entretien et à la modernisation des réseaux existants.

Les crédits consacrés à la réalisation des contrats de plan État-régions (CPER), outils précieux pour la mise en oeuvre d'ambitions partagées avec les régions et les collectivités – qui, je le répète, ne seront pas concernées par la pause – pourront être augmentés dans le cadre du budget de l'AFITF. De même, les crédits relatifs à la régénération et à la modernisation du réseau routier national vont connaître une hausse très significative de 25 %, soit 100 millions d'euros supplémentaires. Le mouvement est également engagé en matière de transport fluvial, avec une hausse de 14 %, soit 10 millions d'euros en plus.

Par ailleurs, je précise que les commandes de l'État de trains d'équilibre du territoire (TET) pourront être honorées pour l'ensemble des régions en 2018.

La loi d'orientation sur les mobilités, présentée à l'issue des Assises nationales, au premier semestre 2018, proposera des dispositifs législatifs puis réglementaires nécessaires pour accompagner les transformations du secteur avec l'ambition de répondre aux besoins de mobilité de tous et dans tous les territoires. Cela aura sans doute des traductions dans le projet de loi de finances pour 2019.

Il nous faut également rétablir un financement réaliste et sincère de nos infrastructures.

Il n'est plus acceptable de promettre des projets sans assurer leur financement. Un changement de méthode s'impose. Ce faisant, nous rétablirons la confiance que doivent pouvoir accorder les collectivités et nos concitoyens à la parole de l'État. J'ai lancé des audits pour les réseaux routiers et fluviaux afin de connaître leur état réel, à l'instar de ce qui avait dû être fait en urgence pour le réseau ferré national.

Mon objectif est d'inscrire dans la durée cet ensemble d'infrastructures dont les besoins dépassent largement les capacités actuelles de financement de l'AFITF. C'est tout particulièrement vrai pour les deux grands projets européens que sont la ligne à grande vitesse reliant Lyon à Turin et le canal Seine-Nord. Nous travaillons pour financer sur plusieurs décennies des infrastructures construites pour plus d'un siècle en élaborant un montage en financement de projet et en dégageant des ressources dédiées, sans affecter les capacités d'intervention de l'AFITF pour les autres projets.

Le Conseil d'orientation des infrastructures, dont certains d'entre vous sont membres, est en train d'examiner la programmation des autres projets. Il a vocation à préparer une loi de programmation des infrastructures qui constituera l'un des volets de la loi d'orientation sur les mobilités. C'est à la lumière de ses analyses que nous pourrons apprécier le juste dimensionnement des ressources de l'AFITF. Avant même qu'il ne rende ses conclusions, qui marqueront également la fin de la pause dans les grands projets d'infrastructure, il nous est toutefois apparu nécessaire de procéder à une augmentation des crédits de l'AFITF dès 2018. Grâce à 200 millions d'euros supplémentaires, son niveau de recettes sera équivalent à ce qu'il aurait été si l'écotaxe avait été maintenue. La ressource proviendra de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Soulignons ici que, même si elle n'avait pas été abandonnée, l'écotaxe n'aurait pas permis d'assurer à l'Agence des ressources à la mesure des projets promis.

Par ailleurs, le grand plan d'investissement et les actions combinées avec le ministère de la transition écologique et solidaire permettront d'accélérer la transition écologique des transports en procédant à des changements dans le domaine de la motorisation mais aussi en favorisant les mobilités collectives ou partagées pour les personnes et les modes les plus respectueux de l'environnement pour les marchandises.

Le troisième axe est celui de la régulation et de la transformation du secteur des transports en général et du transport ferroviaire en particulier.

La mission que nous avons confiée à Jean-Cyril Spinetta sur le modèle ferroviaire a ni plus ni moins l'ambition de redonner au secteur un réel avenir en respectant les modèles de desserte auxquels nous sommes tous attachés et en confortant sa mission de transport accessible à tous. Cela suppose de revenir sur un modèle économique qui n'est plus soutenable. Chacun a en tête que la dette de la SNCF croît de plus de 3 milliards d'euros par an alors même que l'État versera, en 2018, 2,4 milliards de concours ferroviaires via le programme 203.

Cette remise en ordre du secteur ferroviaire est indispensable à la veille de l'ouverture à la concurrence pour les voyageurs prévue dans le cadre du quatrième paquet ferroviaire, dont nous devons faire une réussite pour l'ensemble des acteurs : les voyageurs, les autorités organisatrices, mais aussi les cheminots.

La régulation renvoie également à la réglementation européenne, avec les discussions sur le paquet mobilité. C'est aussi au niveau de l'Europe que se dessinent, dans un contexte de hausse des trafics, la modernisation du contrôle aérien et les investissements qui l'accompagnent, lesquels figurent au budget annexe « contrôle et exploitation aériens ». Par ailleurs, le dernier protocole social de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) a permis d'améliorer la flexibilité du travail pour répondre de façon efficace aux pointes de trafic. C'est en revanche au niveau national que nous aurons à définir un cadre législatif pour les plateformes numériques qui devra tout à la fois libérer des initiatives, protéger les usagers et les travailleurs et assurer une concurrence loyale entre les acteurs.

Le quatrième axe – soutenir les filières logistiques et industrielles – trouve sa traduction dans deux grands programmes.

Il s'agit, d'une part, des crédits de la DGAC. Nous souhaitons revenir à des niveaux proches de ceux de l'Allemagne, avec 135 millions d'euros pour 2018. Cela nous paraît indispensable pour un secteur qui regroupe près de 200 000 emplois et qui aura recruté près de 8 000 nouveaux collaborateurs en 2017. Rappelons que les crédits consacrés à la recherche et au développement avaient été ramenés à zéro en 2017, tant pour ce qui concerne le troisième volet du programme d'investissements d'avenir (PIA 3) que le budget de la DGAC.

Il s'agit, d'autre part, de la stratégie portuaire et maritime que notre Premier ministre présentera lors des Assises de l'économie de la mer en novembre, mais pour laquelle le Gouvernement doit encore préciser certaines positions sur des sujets fiscaux ou budgétaires en tenant compte des récentes décisions du Conseil d'État à propos des taxes foncières et de celles de la Commission européenne à propos de l'impôt sur les sociétés.

Enfin, le cinquième axe concerne les nouveaux défis en matière de sécurité et de sûreté ainsi que l'amélioration de l'efficience de la décision publique.

Le premier défi est de rendre les transports plus sûrs pour tous. La sécurité est toujours au coeur des préoccupations, notamment dans les transports publics, mais, depuis 2001, la sûreté est devenue tout aussi critique d'autant que la menace terroriste reste élevée. Précisons que la sécurité est la maîtrise des risques propres aux transports comme les accidents ferroviaires alors que la sûreté renvoie à l'appréhension des risques extérieurs, par exemple, la menace terroriste.

En ce domaine, le transport aérien est en première ligne. Dans un cadre défini au niveau international par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), le Gouvernement dispose d'un processus de décision national efficace associant toutes les forces de sécurité et le service technique de l'aviation civile (STAC), très compétent et internationalement reconnu. Il intègre désormais l'évaluation des aéroports étrangers d'où pourraient venir les menaces.

Les transports maritimes et terrestres vont aussi voir évoluer les exigences. Ils pourront capitaliser l'expérience de l'aviation civile grâce à des comités interministériels terrestres, maritimes et portuaires, à l'instar de ce qui existe depuis plusieurs années dans le domaine aérien. Ces exigences trouveront sans doute une traduction budgétaire ultérieure dans les programmes 203 et 205.

Le programme 203, au-delà des subventions au transport ferroviaire, soutient l'intervention en matière d'infrastructures routières, y compris en termes d'exploitation, et d'infrastructures fluviales grâce à Voies navigables de France (VNF) et couvre l'ensemble des régulations dans les transports terrestres. En légère hausse, de 0,4 %, il bénéficiera du rattachement des fonds de concours de l'AFITF à l'État en tant que maître d'ouvrage des routes nationales.

Le programme 205, qui regroupe l'ensemble des affaires maritimes, a vu son périmètre réduit à la suite du rattachement de la pêche au ministère de l'agriculture : il est en baisse de 13 %.

Ce budget traduit la transformation en cours. Même si nous restons largement contraints par les engagements pris dans le passé, des premiers signes de la réorientation que j'entends conduire sont perceptibles, notamment à travers l'augmentation des ressources consacrées à la régénération des réseaux routiers, ferroviaires, fluviaux et portuaires. Cette réorientation se poursuivra en 2018 avec la loi d'orientation sur les mobilités et la loi de programmation relative aux infrastructures. Elle me permettra de présenter une trajectoire plus adaptée aux réalités des besoins de notre pays et de nos concitoyens, tout en prenant en compte le nécessaire redressement de nos finances publiques.

Les Assises sont un rendez-vous essentiel pour amplifier les orientations déjà inscrites dans la loi de finances et préparer une nouvelle politique pour des transports plus propres, plus connectés, plus intermodaux, plus sûrs et plus soutenables.

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