Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Sébastien Lecornu, secrétaire d'état auprès du ministre de la transition écologique et solidaire :

Merci, madame la présidente, de m'accueillir à cette séance de travail en commission élargie consacrée à l'examen des crédits du ministère de la transition écologique et solidaire, qui comporte quatre comptes d'affectation spéciale.

Vous avez eu cet après-midi l'occasion de travailler avec ma collègue Élisabeth Borne sur les programmes d'actions liés à la mobilité ; je m'emploierai donc à entrer dans le détail de ce qui concerne, entre autres, la déclinaison du Plan climat. Il est toujours difficile de traduire dans des termes budgétaires annuels une politique inévitablement destinée à s'inscrire dans le temps long ; mais ce trait est peut-être propre au budget de ce ministère.

Bien entendu, le budget constitue l'outil par excellence de l'application de nos politiques publiques de transition écologique, mais il n'est pas le seul. La transition écologique repose sur d'autres acteurs : les citoyens, le mouvement associatif ainsi que les collectivités territoriales. Le sommet du 12 décembre prochain, souhaité par le Président de la République, consacré à l'application de l'Accord de Paris dans la suite de la COP21, rappelle à quel point nous avons besoin du monde économique, du monde privé et des grandes organisations internationales pour financer notre politique et notre diplomatie climatique.

Cela étant, le budget demeure la principale clé de voûte de l'application de nos politiques publiques. Il traduit le Plan climat que le ministre d'État, Nicolas Hulot, a présenté au début du mois de juillet dernier ; nous allons voir comment il se décline en actes concrets et budgétaires.

Ce budget enfin, je le crois sincèrement, est un budget de protection, le budget d'un ministère qui protège les Français : protection de la planète, cela va sans dire, protection de la santé de nos concitoyens, protection des plus fragile, puisque cette transition doit être solidaire, protection de notre souveraineté énergétique enfin.

La concrétisation du Plan climat se traduit dans l'irréversibilité du mouvement dans lequel la France s'est lancée. Celui-ci du reste ne date pas d'hier : le cri d'alarme « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs » de Jacques Chirac, le Grenelle de l'environnement de Nicolas Sarkozy, la COP21 et l'Accord de Paris de François Hollande, et toute la diplomatie climatique menée par Emmanuel Macron témoignent d'une réelle continuité française en la matière. On verra du reste dans ce budget que bien des éléments trouvent leur inspiration dans les quinquennats précédents.

Ce qui importe, c'est de rendre ce mouvement irréversible. À l'heure où beaucoup s'interrogent au sujet de notre capacité à réellement appliquer l'Accord de Paris, qui a fait l'objet de l'unanimité nationale. Je rappelle l'objectif partagé par tous : limiter le réchauffement climatique à 1,5 ou 2 degrés Celsius en deçà de la période préindustrielle ; ce qui implique d'arriver à la neutralité carbone et de tourner le dos aux énergies fossiles à l'horizon 2040.

Vous avez déjà, mesdames et messieurs les députés, répondu à cette exigence en adoptant le projet de loi mettant fin à la recherche et à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels. Vous y avez encore répondu récemment, madame la présidente de la commission du développement durable, en relevant le coût de la tonne de CO2 de 30,50 euros à 44,60 euros en 2018 pour atteindre progressivement 86,20 euros en 2022. C'est aussi ce qui conduit à revoir chaque année le bonus-malus applicable à l'automobile, en fixant pour les véhicules polluants un malus à partir de 120 grammes de CO2 par kilomètre parcouru. C'est encore ce qui nous amène à proposer la fin des avantages fiscaux dont bénéficie le diesel par rapport à l'essence au nom de la santé publique – rappelons que le diesel et ses particules tuent prématurément pratiquement 48 000 personnes par an.

Après l'irréversibilité, il faut travailler à la prévisibilité des changements climatiques ; nos amis ultramarins peuvent en témoigner avec la douloureuse actualité liée au cyclone Irma. À cette fin, le budget propose des outils nouveaux.

Le premier sera le fonds de la qualité de l'air et de la mobilité, qui sera confié à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont Nicolas Hulot, qui y tient beaucoup, a annoncé la création avec sa collègue ministre de la santé à la vallée de l'Arve.

Viennent ensuite les investissements indispensables pour Météo France, appelé à relever l'enjeu majeur de la prévisibilité des risques climatiques, ce qui passe par l'acquisition de supercalculateurs de rang mondial : 180 millions d'euros sont prévus sur la durée du quinquennat sont attribués et commenceront à être investis dès l'année prochaine.

La trajectoire de libération des énergies renouvelables (ENR) trouvera sa traduction dans le grand plan d'investissement doté de 6,5 milliards d'euros. Mais la politique dans ce domaine ne se limite pas aux seuls aspects financiers : la réglementation également devra évoluer puisque le prix de l'électricité constitue trop souvent un frein à la rentabilité de notre modèle d'énergies renouvelables.

Un budget qui protège la planète : le paquet de solidarité climatique comporte des mesures nouvelles en plus des mesures existantes, mais rendues beaucoup plus performantes : je pense à la prime à la conversion, que les Français connaissent mieux sous le nom de « prime à la casse », dont l'objet est le retrait de 100 000 véhicules polluants dès l'année 2018. À cette fin, le ministre et le Président de la République ont souhaité que 120 millions d'euros soient investis à ce titre dans le grand plan. Le montant de cette prime s'élèvera à 1 000 euros, mais sera porté à 2 000 euros pour les Français non imposables et s'appliquera pour tous les véhicules – les modèles essence construits avant 1999 et les modèles diesel construits avant 2001 ou 2006, en fonction des ressources financières de leur propriétaire.

Deuxième dispositif, le chèque énergie, déjà expérimenté dans quatre départements pilotes, a été jugé plus efficace et plus simple que les tarifs sociaux de l'électricité ; c'est la raison pour laquelle il sera désormais généralisé. Quatre millions de ménages sont susceptibles d'être directement concernés, ce qui représente un effort important de près de 600 millions d'euros, pour un chèque énergie d'un montant de 150 euros en moyenne l'an prochain ; notre souhait est de le porter à 200 euros en moyenne l'année suivante.

Enfin, le crédit d'impôt transition énergétique (CITE) sera transformé en une prime en 2019, avec un recentrage important autour des travaux le plus efficients en matière de rénovation thermique des bâtiments dès 2018. La nation, rappelons-le, s'est fixé pour objectif dans la loi la disparition de la précarité énergétique à l'horizon de dix ans, ce qui passe aussi par le renforcement du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE), qui donne satisfaction, et permet aux fournisseurs d'énergie de financer les investissements des particuliers dans des chaudières beaucoup plus performantes et plus respectueuses de l'environnement. Vingt-cinq mille ménages sont ainsi susceptibles d'être concernés par cette mesure l'année prochaine, ce qui représente un effort de 60 millions d'euros.

Ce budget pour 2018 protège aussi la santé et l'environnement, deux sujets indissociables aux yeux du Gouvernement ; 3 millions d'euros seront ainsi consacrés à la recherche publique sur les perturbateurs endocriniens, en lien avec les opérateurs publics que sont l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS).

S'agissant de la question de la sûreté et de la sécurité des centrales nucléaires, qui préoccupe les parlementaires, les moyens humains de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) seront augmentés, et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) sera conforté – rappelons la singularité du dispositif français, qui distingue la sûreté de la sécurité.

La question de la biodiversité connaît une actualité douloureuse puisque les effets conjugués du réchauffement climatique et de la pollution entraînent la disparition brutale de nombreuses espèces dans la faune comme dans la flore ; je rentre de Guyane où j'ai pu constater par moi-même les dégâts causés par l'orpaillage sauvage. Certains outils fonctionnent très bien, comme les zones Natura 2000 : nous confortons le dispositif en lui accordant 2 millions d'euros supplémentaires. La protection du littoral et des aires marines feront l'objet d'efforts supplémentaires : les conservatoires du littoral, qui ont montré leur efficacité, pourront s'appuyer sur la nouvelle taxe sur les bateaux de plus de trente mètres. Les agences de l'eau seront désormais installées aux postes avancés de la protection de la biodiversité, puisqu'elles assureront désormais le financement de l'Agence française de la biodiversité (AFB) ou de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ; le Parlement ayant récemment souhaité relever le plafond des redevances à 2,28 milliards d'euros, l'AFB se verra ainsi dotée de 34,5 millions d'euros et l'ONCSF de 37,6 millions d'euros, ce qui participe aussi à la sincérité budgétaire.

Les crédits de l'économie sociale et solidaire font désormais partie du périmètre du ministère de la Transition écologique et solidaire avec le dispositif local d'accompagnement (DLA) ; ce dispositif est piloté par le haut-commissaire Christophe Itier, nommé il y a quelques semaines. Ajoutées aux crédits traditionnels, les autorisations d'engagement du DLA atteignent un montant global de 15,25 millions d'euros.

Ce budget a vocation à être plus sincère, et partant plus robuste ; la clarté budgétaire constitue le fil conducteur du projet de loi de finances ; c'est là un souhait partagé par le Gouvernement et le Parlement. Les ressources de l'Agence de l'eau en sont le meilleur exemple. Autre bon exemple, le budget de l'ADEME, opérateur bien connu des Français, sera reconstruit selon une véritable approche territoriale, plus propice à la gestion du Fonds déchets et du Fonds chaleur. La nouvelle budgétisation ne passera plus par la réaffectation de la taxe générale sur les activités polluantes, ce qui a le mérite de répondre aux besoins de trésorerie de l'ADEME dès le début de l'année, alors que l'affectation de la TGAP retardait l'arrivée des ressources. L'Agence sera ainsi totalement opérationnelle dès le 1er janvier, avec des moyens qui augmentent de façon considérable et inédite. Avec 164 millions d'euros pour 2018, l'établissement public se trouve ainsi placé au coeur du dispositif ; il est prévu, dans le cadre du grand plan d'investissement de les porter à 720 millions d'euros sur le quinquennat.

Le reliquat de la dette contractée par l'État auprès d'EDF au titre des énergies renouvelables – 4,4 milliards d'euros – sera remboursé en trois ans. Le ministère de la Transition écologique et solidaire contribue lui aussi au redressement des comptes publics en diminuant ses effectifs de 2 %. Ce qui passe par le programme d'action publique pour 2022 et emporte des réorganisations conduites dans le cadre d'un dialogue social soutenu ; je tiens à ce propos à saluer le travail déterminant fourni par la secrétaire générale du ministère et l'ensemble des directeurs. Le plafond d'emploi en équivalents temps plein (ETP) s'élève ainsi à 40 805 pour le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de la cohésion des territoires, puisque leurs administrations support sont conjuguées.

Certains sujets ne sont volontairement pas abordés par ce PLF. C'est le cas de la TGAP. Ainsi que vous le savez, le Gouvernement et le Parlement ont souhaité disposer d'une feuille de route de l'économie circulaire ; au lieu de nous précipiter sur cette taxe afin d'augmenter la part de déchets recyclés dans notre système de gestion des déchets et notre économie, nous voulons nous donne une vraie chance de concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière. Nicolas Hulot a souhaité que cette feuille de route soit déclinée dans les mois à venir ; ma collègue Brune Poirson est chargée de piloter ce dossier.

Le même choix a présidé au sujet de la taxe sur les fluides frigorigènes ou hydrofluorocarbures (HFC), qui appelle une attention particulière du fait des effets de ces substances sur la couche d'ozone, et pour laquelle nous souhaitons également une concertation.

J'ai été un peu long, madame la présidente, mais je tenais à mettre en lumière la vision et les grands équilibres caractérisant le budget que le Gouvernement propose à la représentation nationale pour 2018.

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