Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 31 octobre 2017 à 17h15
Commission élargie : finances - affaires économiques - développement durable - affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour les paysages, eau et biodiversité, prévention des risques, expertise, information géographique et météorologie :

Les crédits que je vous propose d'analyser aujourd'hui relèvent de quatre programmes de la mission Écologie : le programme 113 « Paysages, eau, et biodiversité » qui est le chef de file des agences de l'eau, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), du Conservatoire du littoral, des parcs nationaux ; le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » qui rassemble les trois opérateurs que sont l'IGN, Météo-France et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) ; le programme 181 « Prévention des risques » qui comprend les crédits nécessaires à l'établissement et au suivi des plans de prévention des risques naturels (PPRN) et des plans de prévention de risques technologiques (PPRT) – ce programme a la tutelle de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et est le chef de file pour l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS) et pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui sera financée, à partir de 2018, par des crédits budgétaires et non plus par des ressources affectées ; le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » qui regroupe depuis cette année les effectifs et la masse salariale du ministère de la transition écologique et solidaire et ceux du ministère de la cohésion des territoires ainsi que leurs dépenses de fonctionnement. Les crédits budgétaires prévus en 2018 pour ces programmes s'élèvent à environ 4,5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Tous ces programmes ont été atteints par des gels et des annulations de crédits très importants en 2017. Le seul décret d'annulation du 20 juillet s'est traduit par une ponction totale de 93 millions d'euros sur les quatre programmes et les opérateurs se voient annoncer tous les quatre mois des coupes sur les budgets votés par la représentation nationale. Autant de projets de recherche qu'il faut reporter – si évidemment les budgets de l'année suivante permettent bien de les réaliser.

Contrairement à ce que pourraient suggérer les effets d'optique provoqués par les incessants changements de périmètre de la mission et des programmes, la situation budgétaire sera très loin de se redresser en 2018. À titre d'exemple, alors qu'on nous annonce une augmentation de 3,9 % à périmètre constant du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », ses crédits sont en réalité amputés de 2 % en raison de la création de deux nouvelles actions « Économie sociale et solidaire » et « Gouvernance, évaluation, études et prospective en matière de développement durable ».

Autre exemple : l'ADEME, qui entre désormais dans le programme 181 « Prévention des risques ». Si, de prime abord, elle bénéficie d'une subvention de 36 %, en réalité elle va largement financer les reste à payer. Du coup, les crédits des principales actions de cette agence sont en baisse : les crédits du fonds « chaleur » diminuent de 19,3 %, ceux de l'économie circulaire par l'intermédiaire du fonds « déchets » baissent de 18,8 %, et les crédits alloués au soutien à la recherche et à l'innovation dans ces domaines et intervention sur les sols pollués baissent de 7,4 %. En outre, les réductions d'effectifs atteignent tous les secteurs, sauf peut-être en matière de sûreté nucléaire où les crédits sont reconduits au même niveau. Aucune amélioration n'est prévue pour les années suivantes, bien au contraire. Les pertes de compétences qui résultent de ces coupes sont gravissimes. Dans de telles conditions, comment notre pays parviendra-t-il à atteindre les objectifs qu'il s'est fixés en matière de qualité des eaux, de protection de la biodiversité et de limitation de l'érosion ?

Après les phénomènes météorologiques de type Irma, alors que l'on sait que le réchauffement climatique va provoquer des épisodes cataclysmiques beaucoup plus fréquents, et qu'il serait évidemment erroné de penser qu'AZF étant loin derrière nous, nous sommes prémunis des risques industriels, le projet de loi de finances pour 2018 se caractérise par la faiblesse des moyens alloués à l'expertise et à la prévention des risques. l'INERIS subit des réductions d'effectifs importantes et une contrainte budgétaire forte alors que cet établissement fournit un appui indispensable pour anticiper les risques industriels. Certes, la situation est moins problématique pour l'ASN, mais cette agence souhaiterait vingt équivalents temps plein (ETP) pour lutter contre la fraude et la falsification. Le moins que l'on puisse dire, c'est que la manière dont l'agence continue aujourd'hui à dénoncer les problèmes de silos non résolus à la Hague construits dans les années quatre-vingt montre que l'on ne devrait pas mégoter, quel que soit ensuite notre avis sur le nucléaire, sur les moyens de l'ASN.

Les effectifs du ministère de la transition écologique vont perdre, avec ceux du ministère de la cohésion des territoires, plus de 1 300 équivalents temps plein en 2018. Quatre cent quarante-dix emplois disparaissent pour les seuls opérateurs, devenus des variables d'ajustement. L'Agence française de la biodiversité n'a été créée qu'en janvier 2017 ; il est encore trop tôt pour voir les conséquences du regroupement des quatre opérateurs. En revanche, l'Agence de l'eau se verra appliquer en 2018 un prélèvement de 200 millions d'euros et le plafond de ses ressources risque d'être de nouveau abaissé en 2019. Quand on sait que 85 % des eaux sont polluées en France, on mesure le risque considérable qui en résultera pour la qualité de nos eaux.

Météo France est, avec ses homologues anglais et allemand, une des trois références en Europe en la matière. Après avoir vu ses effectifs diminuer de 11 % depuis 2012, c'est une nouvelle baisse de 95 emplois qu'elle va connaître d'ici à 2022, ce qui représente 15 % de ses effectifs. Enfin, j'ai quelques incertitudes en ce qui concerne le financement nécessaire au renouvellement du supercalculateur.

Quant au CÉREMA, j'y reviendrai tout à l'heure en présentant un amendement.

L'examen détaillé de ce budget étriqué, dépourvu d'ambition et de perspectives montre que ces exemples ne sont pas isolés. En tout état de cause, le budget 2018 de l'écologie est sans rapport avec les véritables enjeux de la transition écologique qui emportent – faut-il le rappeler ? – l'avenir à court terme de l'humanité. Nous préconisons, pour notre part, un changement de paradigme en matière d'indicateurs de performance. La performance du XXIe siècle sera celle qui permet aux générations futures de continuer à vivre sur cette planète. Même si nous ne doutons pas de la sincérité des ambitions du ministre, nous sommes trop loin du compte. C'est pourquoi votre rapporteur émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission et présentera des amendements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.