Intervention de Émilie Bonnivard

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2017 à 15h00
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Bonnivard, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, chers collègues, avec 83 millions de touristes accueillis en 2016, la France est la première destination touristique mondiale. L'objectif du Gouvernement est de conforter cette première place en termes de fréquentation et d'accroître les recettes issues du tourisme.

Le secteur touristique, dans son ensemble, représente près de 8 % de notre produit intérieur brut et 2 millions d'emplois directs et indirects. À l'heure où la fracture entre métropoles et territoires ruraux se creuse, l'économie du tourisme est une excellente source d'aménagement du territoire. Économie de l'offre par excellence, elle peut se développer autour de nouvelles destinations, comme le montre l'exemple du site « Villages Nature » créé par Pierre et Vacances en Île-de-France. Si le Gouvernement a, à juste titre, comme objectif de soutenir la promotion des destinations leader, il me semble qu'il gagnerait à considérer davantage le tourisme comme un levier pour le développement des territoires, et à afficher clairement cet objectif.

En ce qui concerne les crédits de la mission « Action extérieure de l'État » affectés au principal opérateur, Atout France, si les subventions pour charge de service public sont globalement constantes, à hauteur de 32,7 millions d'euros pour 2018 – ce que je salue – , cette année sera la première, après 2016 et 2017, à ne plus bénéficier du fonds d'urgence de 10 millions d'euros pour la promotion, débloqué après les attentats. La part des recettes additionnelles liées aux droits de visa reste, quant à elle, très incertaine. Vous me direz qu'un fonds d'urgence est par essence exceptionnel ; certes, mais il n'empêche que, mécaniquement, le budget dédié à la promotion sera cette année inférieur à celui des années précédentes, alors même qu'il était déjà à un niveau très en deçà de celui atteint dans d'autres pays : en 2017, la France affectait 48,7 millions d'euros à la promotion, quand l'Espagne lui consacrait sept fois plus, c'est-à-dire 332 millions d'euros.

Vous avez annoncé, monsieur le ministre, lors du premier conseil de pilotage du tourisme, il y a un mois, la création d'une mission sur le financement de la promotion. Je salue cette initiative. Je propose, dans mon rapport spécial, un dispositif innovant visant à maintenir un haut niveau de recettes pour la promotion, sans pour autant créer de nouvelles dépenses pour le budget de l'État. On pourrait ainsi déterminer une part fixe, à laquelle s'ajouterait la part additionnelle issue des recettes des droits de visa.

Les crédits consacrés au tourisme étant éclatés, je souhaiterais commenter une autre enveloppe, bien modeste, qui relève de la mission « Économie ». Ces crédits, qui s'élevaient à 1,2 million d'euros l'année dernière après avoir déjà été réduits, ont été purement et simplement supprimés dans le projet de loi de finances pour 2018. Ils servaient pourtant à financer, entre autres, la diversification et la montée en gamme de l'offre française, ainsi que le développement de politiques sociales, une part non négligeable de ces crédits contribuant au départ en vacances des publics les plus modestes. Petit budget donc, mais vrai effet levier sur l'aide au départ et les contrats de destination. Ces crédits ne rentrent pas dans votre escarcelle ; pourtant, ils financent des politiques publiques qui sont au coeur de la stratégie touristique de la France. Il serait opportun, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, de rétablir cette enveloppe dans le cadre de la mission « Économie ».

Je terminerai mon intervention en évoquant les outils d'investissement public dédiés au renouvellement de l'offre d'hébergement touristique – s'il s'agit bien d'accueillir 100 millions de touristes d'ici à 2020. Je ferai un focus particulier sur l'hôtellerie indépendante et les résidences de tourisme.

Les hôtels indépendants peinent à se transmettre, parce que les droits de succession sont élevés, que l'exploitation doit en être repensée et qu'il est difficile de trouver des exploitants et du personnel qualifié. Certes, des outils de financement et d'investissement sont proposés par Bpifrance et la Caisse des dépôts, mais s'ils sont pertinents pour mener à bien des projets rentables et solides, notamment ceux promus par les chaînes hôtelières, ils peinent à offrir un accompagnement adapté au renouvellement de l'hôtellerie indépendante, qui a pourtant le mérite de couvrir l'ensemble du territoire national. Le constat qui est ressorti des auditions que j'ai menées est le suivant : ce n'est pas l'argent qui manque, ce sont les projets. Or si les projets manquent, c'est que les outils d'ingénierie territoriale et d'accompagnement susceptibles de les faire émerger sont insuffisants. D'où l'importance de maintenir au moins des crédits dédiés au sein de la mission « Économie ».

J'aborderai, pour conclure, la question de l'hébergement touristique de montagne et le phénomène des « lits froids ». Ces trois dernières années, la France est passée du statut de première destination mondiale en nombre de « journées skieurs » à la troisième place, derrière les États-Unis et l'Autriche.

Nos capacités d'hébergement, répondant aux attentes de la clientèle, doivent être renforcées et rénovées. Or, entre les contraintes considérables qui pèsent sur les nouvelles constructions et les obstacles à la rénovation et à la remise sur le marché des résidences de tourisme existantes, nous perdons des capacités d'accueil et fragilisons les outils économiques et les emplois de nos stations. Des outils adaptés, notamment d'incitation fiscale, devraient être étudiés dans le cadre de la mission d'information dont vous avez pris l'initiative, monsieur le ministre.

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