Intervention de Claude de Ganay

Séance en hémicycle du mardi 7 novembre 2017 à 21h30
Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 - projet de loi de finances pour 2018 — Défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude de Ganay, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances est le premier de cette législature. Autrement dit : c'est le moment de traduire en actes les promesses de campagne. Vous nous présentez un budget en hausse de 1,8 milliard d'euros, augmentation que vous qualifiez d'« historique » et qui mérite en effet d'être saluée. Avec ces 32,4 milliards d'euros, la France rompt avec des années de coupes sombres dans le budget de la défense. C'est heureux, mais cela permettra tout juste de temporiser.

Ainsi, les ressources affectées à la politique immobilière augmenteront de 404 millions d'euros en 2018, soit 30 % des crédits de paiement supplémentaires. C'est très bien. La majeure partie de cette hausse – 333 millions d'euros – sera consacrée à la rénovation du patrimoine immobilier des armées pour améliorer les conditions de vie des soldats. C'est encore mieux, mais cela couvrira seulement les besoins les plus urgents. L'estimation des besoins de rénovation du patrimoine immobilier des armées à six ans est en effet passée de 79 millions d'euros en 2014 à près de 2,5 milliards d'euros en 2017. C'est ce qui arrive lorsqu'on est contraint de reporter sans cesse des rénovations pour faire face aux urgences opérationnelles : les petites avaries sans gravité finissent par s'accumuler, la situation devient critique et le coût des travaux augmente de manière exponentielle.

Madame la ministre, je suis désolé de vous le dire : vous allez payer très cher la gestion court-termiste de vos prédécesseurs. Certains bâtiments tombent en ruine. Quinze ans après le déclenchement du plan Vivien, de nombreux ensembles d'hébergement ou de restauration ne sont toujours pas aux normes. Le plan d'action Condition du personnel – Condi-pers – de 627 millions d'euros, décidé en 2014, ne permettra, au mieux, que de répondre aux urgences les plus criantes, car 697 points noirs ont été identifiés à l'horizon 2020.

Vos prédécesseurs vous ont laissé d'autres factures à payer, comme les mesures indemnitaires annoncées en 2016 et partiellement financées. Des primes nouvelles ont en effet été créées pour les soldats en opérations intérieures, mais elles n'ont pas été totalement prises en compte dans le budget 2017. En d'autres termes, c'est un chèque sans provision que votre ministère a dû autofinancer en dégageant des ressources sur d'autres actions, moins prioritaires.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, vous rectifiez la situation au prix de plusieurs dizaines de millions d'euros pris sur cette hausse « historique » du budget de la défense. En somme, vous faites preuve de vertu budgétaire. Vous « sincérisez » – c'est l'expression à la mode – , ce qui signifie que des dépenses longtemps sous-évaluées sont revalorisées dans ce projet de loi de finances : on arrête la cavalerie, on cesse de se mentir sur les recettes exceptionnelles, les dépenses d'indemnisation chômage et les surcoûts au titre des opérations extérieures. Il semble qu'il faille s'en féliciter, mais cela se traduira-t-il par des améliorations concrètes pour nos soldats et la sécurité de nos concitoyens ?

La provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, par exemple, sera revalorisée de 200 millions d'euros par an. En 2018, elle passera ainsi de 450 à 650 millions d'euros, mais nous restons bien loin de ce que coûtent en réalité ces opérations – près de 1,5 milliard d'euros. La « sincérisation » de ce poste budgétaire est donc toute relative, ce qui laisse intacte l'épée de Damoclès au-dessus des autres programmes de la mission « Défense », sans parler des programmes des autres ministères.

Je rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement dont vous faites partie a pris cet été un décret diminuant les ressources du programme 146, « Équipement des forces », de 850 millions d'euros au titre du financement des surcoûts OPEX de l'année en cours et de la participation à un effort collectif de diminution des dépenses publiques. Ce décret contrevient de manière flagrante à la lettre et à l'esprit de l'article 4 de la loi de programmation militaire pour la période 2014-2019, qui prévoyait précisément une prise en charge interministérielle des surcoûts OPEX. On comprend, dès lors, l'indignation du chef d'état-major des armées, Pierre de Villiers, dont je tiens à saluer une nouvelle fois le courage et le dévouement.

Les réponses que vous nous avez apportées en commission élargie ont un peu atténué mes inquiétudes sur la fin de gestion 2017. Vous semblez confiante dans la capacité de votre ministère à obtenir une prise en charge interministérielle du reste des surcoûts OPEX, conformément à l'article 4 de la LPM. Je salue donc l'effort budgétaire que vous faites en faveur de la défense de notre pays mais, compte tenu des incertitudes qui planent encore sur la fin de la gestion 2017, qui a vu s'envoler le coût des OPEX, et du flou qui règne sur le financement des opérations extérieures et des besoins criants en matière de soutien et de logistique interarmées, je m'abstiendrai dans le vote sur les crédits de la mission « Défense ».

Je serai vigilant quant aux moyens qui seront effectivement dévolus au soutien dans la prochaine loi de programmation militaire et dans les prochaines lois de finances. Et, comme je l'ai fait dans mon rapport pour avis, cette année sur le thème de la reconversion, je ferai des propositions concrètes pour améliorer la condition des personnels qui travaillent au service de la défense. Compte tenu de leur engagement à tous, civils et militaires, il s'agit là d'un devoir moral que je remplirai de mon mieux.

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