Intervention de Pierre Rustin

Réunion du jeudi 23 janvier 2020 à 9h40
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Pierre Rustin, directeur de recherche émérite au CNRS :

Pour le moment, il s'agit de cancers des voies neurologiques, ils surviennent pour des mutations identifiées. Ils sont extrêmement rares car il faut bloquer complètement les enzymes, mais leurs mécanismes sont très intéressants pour les chercheurs. Le sujet est fascinant pour les scientifiques, mais il n'a probablement pas un grand intérêt du point de vue des SDHI. Les superoxydes et la cancérogénèse classique sont plus intéressants. Les SDHI produisent des superoxydes. Ce point a été mesuré et démontré. Avec des superoxydes dans le système, tout peut arriver en termes de cancer. Personne ne pourra dire le contraire.

La SDH est conservée extrêmement fortement au cours de l'évolution. Tous les gènes qui codent pour cette enzyme sont les mêmes quels que soient les organismes, du champignon jusqu'à l'homme. Les alignements de séquences sont spectaculaires car ils montrent l'analogie de tous les gènes dans tous les organismes. On peut logiquement prédire que les SDHI bloqueront la SDH de tous les organismes. Je ne connais pas d'inhibiteur de la SDH qui soit spécifique à un organisme.

Certains pesticides sont très spécifiques aux champignons, ils ne présentent donc pas de danger pour l'homme. Cela ne vaut pas pour les SDHI, qui ne présentent aucune spécificité. Nous le savons depuis 44 ans. Or ce point n'est jamais évoqué, que ce soit par les firmes qui les commercialisent ou par l'ANSES.

Nous avons simplement vérifié que les SDHI bloquaient la succinate déshydrogénase dans de nombreuses espèces. Nous avons étudié 8 des 11 SDHI utilisés en France, sachant que les doses sont extraordinairement difficiles à contrôler, en particulier dans les différents tissus humains. Les SDHI sont des molécules hydrophobes qui s'accumulent très spécifiquement dans l'organisme.

Nous avons ensuite étudié la toxicité des SDHI pour les cellules humaines avec une approche particulière. Si vous mettez du glucose dans les cultures cellulaires, les cellules n'ont plus besoin de leurs mitochondries car elles peuvent générer de l'ATP directement à partir du glucose. En retirant le glucose, la croissance et la survie cellulaires dépendent des mitochondries, on peut donc savoir si un composé est toxique pour les cellules, via les mitochondries. C'est ainsi que nous sommes arrivés à la conclusion que les SDHI étaient catastrophiques pour les cellules humaines. Les SDHI entraînent la mort cellulaire dès lors qu'il n'y a pas de sucre dans le milieu. Or les tests réglementaires sont réalisés en présence de sucre. Ces tests n'ont donc aucune valeur.

Les superoxydes dismutases sont des enzymes marqueurs de la production de superoxydes, responsable du stress oxydant. Les SDHI induisent-ils les superoxydes dismutases ? Les cellules se mettent-elles à accumuler des défenses contre les superoxydes ? La réponse est positive. Les cellules humaines traitées avec des SDHI détectent la production de superoxydes, d'où une induction de la superoxyde dismutase. Indépendamment du blocage ou non de la respiration, les SDHI créent un problème majeur car ces superoxydes sont hautement cancérigènes. Les expériences faites avec glucose n'ont aucun rapport avec la mort cellulaire ou la respiration.

Or, des parties de la population sont surexposées aux SDHI. J'étais convaincu que l'ANSES s'emparerait du sujet et prendrait des mesures immédiatement. Il n'en a rien été. Les SDHI ne présentent pas de spécificités en termes d'espèces ou de cibles. Les SDHI de nouvelle génération bloquent de nouveaux composants de la chaîne respiratoire.

Les tests réglementaires tels qu'ils sont réalisés n'ont pas de valeur. C'est également le cas de la plupart des modèles qui sont utilisés avec des rongeurs. Les cancers liés à la SDH sont liés à l'épigénétique, et pas du tout à de la mutagénèse classique. Les SDHI sont parfaitement capables d'induire des tumeurs chez le rongeur, mais ce ne sont pas les mêmes tumeurs que chez l'homme, et nous ne sommes pas capables d'induire chez le rongeur les tumeurs telles que nous les observons chez l'homme. Il ne sert donc à rien d'utiliser des rongeurs pour étudier la cancérogénicité des molécules.

Des molécules ayant subi les mêmes tests que les SDHI ont déjà été retirées. Elles visaient également la respiration et présentaient une toxicité identique, si ce n'est qu'elles impactaient le complexe I et non le complexe II. Ces substances, qui étaient utilisées comme insecticides, avaient passé les tests sans aucun problème. Elles ont été arrêtées lorsqu'il est apparu qu'elles avaient déclenché une vague de maladies de Parkinson.

Monsanto donne une information mensongère aux agriculteurs. Quand on traite un champ de colza avec du SDHI, leur publicité donne l'impression que le rendement du champ augmente quasiment de moitié. En réalité, cette impression d'un effet spectaculaire n'est pas vraie du tout, puisque la variation est de 2 à 3 %, et il n'existe même pas d'écart type. L'image qui est présentée aux agriculteurs est donc totalement mensongère.

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