Intervention de Gilles Carrez

Séance en hémicycle du dimanche 23 février 2020 à 15h00
Système universel de retraite — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez :

L'unique objectif de toutes les réformes de retraites qui se sont succédé a été de protéger le niveau des retraites, de le sauvegarder. Quand on examine ces réformes de près, il faut reconnaître que toutes avaient une dimension avant tout financière, que ce soit celle de 1993, celle de 2003, celle de 2010 ou celle de 2014 que vous avez bien connue, monsieur le ministre, puisque, en tant que député, vous étiez alors aux avant-postes – j'en profite pour vous féliciter au passage pour votre récente nomination.

En 1993, lorsqu'on décide de prendre en compte les 25 meilleures années et d'indexer les pensions sur l'inflation, c'est pour des raisons financières. En 2003, lorsqu'on commence à unifier les régimes des retraites de la fonction publique et ceux du secteur privé, c'est pour des raisons financières. En 2010, lorsqu'on a le courage de reporter l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, c'est pour des raisons financières. Et en 2014 – vous étiez alors présent dans l'hémicycle – , lorsqu'on allonge progressivement la durée de cotisation nécessaire, en augmentant le nombre de trimestres, pour obtenir une retraite à taux plein et qu'on instaure le système de bonus-malus, de surcote-décote, c'est encore pour des raisons financières.

Vous comprendrez donc que, même avec la meilleure volonté du monde, même avec un esprit constructif, on ne puisse pas admettre que la représentation nationale soit totalement privée des éléments financiers qui constituent la base nécessaire de toute réforme des retraites. On s'étonne aussi que les décisions sérieuses soient prises à côté, dans le cadre d'une conférence de financement, dont on ne sait d'ailleurs pas bien comment elle va se passer. J'ajoute que – moi qui ai une certaine ancienneté dans cette maison – c'est la première fois que je découvre un avis du Conseil d'État évoquant des projections financières « lacunaires ». Tout cela n'est pas sérieux. Vous donnez à votre réforme – pour laquelle vous nourrissiez de grandes ambitions – un côté improvisé en refusant de nous en fournir les éléments financiers.

J'ai fait des recherches – après tout nous avons encore onze nuits de débat. J'ai consulté notamment l'étude d'impact pour comprendre par exemple comment évoluerait la valeur du point, comment est calculée la valeur de service, comment est calculé le taux de rendement à 5,5 % – une donnée essentielle puisque cela signifie que 10 euros de cotisation donnent droit à 55 centimes d'euros versés chaque année pendant sa retraite. Nous ne disposons d'aucun de ces éléments d'explication. Je dois dire que je me sens très malheureux : comment peut-on apprécier, et a fortiori voter, un projet de loi lorsqu'on ne connaît aucun élément financier et alors que l'enjeu représente plus de 230 milliards d'euros par an ?

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