Intervention de Frédérique Vidal

Réunion du lundi 14 octobre 2019 à 13h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Frédérique Vidal, ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation :

La confiance des populations dans le monde de la recherche est malheureusement mon cheval de bataille depuis maintenant deux ans et demi. Il suffit que quelqu'un déclame quelque chose pour que cela devienne la vérité (c'est le drame des réseaux sociaux) alors que pendant ce temps, depuis des dizaines, parfois des centaines d'années, des scientifiques produisent de la connaissance, et parce que cette connaissance doit être expliquée et accompagnée et qu'elle est un peu plus difficile à comprendre, qu'elle ne se résume pas en des slogans qui claquent, elle est beaucoup moins écoutée que le sentiment de quelqu'un, le témoignage de quelqu'un qui vaut généralité. Cela n'a rien de spécifique à la Martinique ou à la Guadeloupe, c'est un problème mondial, lié à mon sens au fait que des informations erronées sont capables de se diffuser via les réseaux sociaux 16 fois plus vite (cela a fait l'objet d'études scientifiques) que des informations vérifiées par des scientifiques. Cela vous donne une idée de l'ampleur de la difficulté en ce qui concerne la confiance.

Ce que nous avons proposé, et qui a été validé avec Annick Girardin sur la question de la recherche dans les territoires ultramarins, est de faire ce que ces territoires, parce qu'ils vont porter des plates-formes d'innovation et de recherche, puissent être des territoires sur lesquels vont converger les meilleurs chercheurs, quelle que soit leur nationalité, pour venir sur le terrain afin de comprendre la complexité des questions posées. Pour reprendre un exemple qui m'est plus personnel, travailler sur un gène isolé dans son laboratoire est une chose, échanger avec les familles d'enfants atteints de pathologies liées à ce gène. L'objectif est non seulement d'être capable de disposer de ces plates-formes de recherche qui accueillent des scientifiques du monde entier mais aussi de faire en sorte que les solutions en termes d'innovation et les solutions technologiques soient produites et développées sur place ; en effet, autant on peut faire de la recherche dans n'importe quel laboratoire du monde sur n'importe quel sujet, autant pour ce qui concerne le transfert de cette recherche, la levée des verrous technologiques, l'innovation et l'implantation des innovations, il est important d'être sur les territoires.

Nous avons proposé la mise en place de plates-formes dédiées de recherche et d'innovation sur tous les territoires ultramarins en fonction des questions spécifiques à ces territoires. Seront pris en compte le sujet du chlordécone comme celui des sargasses, comme les questions de vulcanologie à Mayotte, comme les questions d'énergie tellurique à la Réunion… Nous sommes en train de définir les signatures et la manière de développer ces plates-formes de recherche et d'innovation qui seront elles aussi financées. C'est mieux de faire des choses concrètes.

Les discussions étant en cours, il est difficile de vous annoncer ce qui sera prévu dans les différents plans. Or vous l'avez évoqué, M. le Président, et c'est exactement ce que je dis depuis le début de cette audition : il est prévu que nous arrêtions d'aborder ce défi complexe discipline par discipline pour l'aborder de manière transdisciplinaire, ce qui est absolument essentiel. Partout où il manque des financements, nous devons veiller à ce qu'ils puissent être mobilisés et efficaces par rapport aux questions posées. En outre, nous devons travailler une question qui a assez peu été abordée, soit la question du transfert : une fois que l'on imagine, si on reste sur la question de la remédiation, que telle ou telle plante est éventuellement en capacité soit de fixer soit d'extraire des sols, il faut tester expérimentalement, vérifier.

Comment met-on en place ce transfert depuis une connaissance qui reste théorique et conceptuelle sur la preuve par l'effet afin que cela fonctionne ? Je suis en train de porter tout cela, notamment au travers de ces plates-formes de recherche et d'innovation ultramarines, avec la collaboration des acteurs locaux ou l'ensemble des laboratoires de la Guadeloupe et de Martinique. C'est ainsi que nous devons procéder, en proposant des choses extrêmement concrètes et les moyens qui vont avec. Cette méthodologie fonctionne et nous le savons. Si nous voulons trouver des solutions, il faut être capable de passer du concept de la théorie à l'application. Dans le domaine de la recherche, cela signifie qu'il faut expérimenter des choses sur le terrain, regarder les questions de dépollution, etc. Ma collègue de la Santé vous parlera probablement de l'importance de continuer les observations, les cohortes, etc.

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