Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du lundi 14 octobre 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Cela peut être quelqu'un du ministère, tout à fait. Je pense que cela peut être utile. Après, vous m'interrogez sur les tests. Je sais que c'est une forte demande de la population. En réalité, je pense que c'est potentiellement anxiogène et qu'il faut le faire dans le cadre d'études de recherche. Je vais vous expliquer pourquoi. Vous le savez, le chlordécone disparaît dans le sang au bout de six mois. Le dosage de chlordécone est dépendant de ce que vous avez mangé dans les six mois précédents. Selon que vous avez mangé des choses contrôlées ou non contrôlées, vous pouvez avoir beaucoup de chlordécone ou pas du tout. Pour connaître l'imprégnation individuelle, il faudrait donc quasiment faire des dosages tous les trois mois, cela n'a pas de sens. Il vaut mieux se protéger en mangeant proprement des choses contrôlées, et là, nous sommes sûrs d'avoir un taux de chlordécone à zéro.

Par contre, dans le cadre d'études pour vérifier si la quantité de chlordécone présente dans le sang est en lien avec des pathologies, je pense que c'est important, et nous pouvons tout à fait imaginer faire des dosages sanguins, notamment dans les cohortes que nous mettons en place chez les femmes enceintes, par exemple, ou chez des travailleurs exposés. C'est ce que nous avons fait. Il est clair que les mesures de chlordéconemie n'ont pas d'intérêt à l'échelon individuel, parce qu'elles vont changer tous les mois. Nous n'allons pas demander aux gens de se faire une prise de sang tous les mois. Il vaut mieux qu'ils se protègent en mangeant proprement. Cela a un intérêt à l'échelon collectif pour voir l'imprégnation d'une population et s'il y a une relation entre le niveau de chlordécone dans le sang et des pathologies. Santé publique France dit aujourd'hui sur les différentes études qui ont eu lieu dans la population générale, que les taux moyens de chlordécone dans le sang sont en diminution depuis dix ans. Nous voyons bien que la population a changé ses habitudes alimentaires, elle est en train de se protéger. Les gens sont moins imprégnés de chlordécone qu'ils ne l'étaient auparavant. Nos mesures fonctionnent. Si nous arrivons à cette alimentation zéro chlordécone, en réalité, les gens n'auront pas besoin de se poser la question.

Les taux les plus élevés sont retrouvés chez les gens qui mangent énormément de produits de la pêche. Là, cela ne diminue pas, parce qu'il semblerait qu'avec l'eau de pluie qui amène le chlordécone sur le littoral, poissons, coquillages et crustacés sont très contaminés. Cela concerne aussi tous ceux qui mangent beaucoup de tubercules et de racines, et ceux qui mangent beaucoup dans les circuits informels du bord des routes. Il faut éviter. C'est vraiment cela notre objectif principal, aujourd'hui.

Comme c'était une demande récurrente, la DGS a saisi la Haute Autorité de santé (HAS), pour savoir si le test avait un intérêt. Je vous donne mon avis, mais nous avons évidemment saisi une autorité indépendante scientifique pour savoir s'il y aurait un intérêt à doser le chlordécone dans le sang dans le cadre d'un dépistage. À partir du moment où les taux sont variables d'un jour à l'autre en fonction de ce qu'on mange, tous les six mois, cela me paraît peu probable. Cependant, nous les laissons faire leur travail. Ils ne rendront leurs conclusions qu'en 2020, pour savoir si ce dosage a un intérêt en population générale.

Pour ceux qui le souhaitent, il y a un dosage possible à l'Institut Pasteur de Guadeloupe, à partir de la fin 2019. La HAS donnera son avis sur l'intérêt, et c'est seulement la HAS dit qu'un test a un intérêt qu'il est remboursé par la sécurité sociale. Le remboursement de ce test par la sécurité sociale dépendra donc de l'avis de la HAS, comme tout test de diagnostic ou de dépistage dans notre pays.

Je soutiendrai toutes les études, notamment celles de recherche clinique sur les femmes enceintes. S'il y a des chercheurs qui souhaitent monter des cohortes, nous les soutiendrons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.