Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du lundi 14 octobre 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je ne suis pas ministre de l'économie ou de l'agriculture. Je suis ministre de la santé. Je suis évidemment extrêmement attentive à tous les enjeux de santé publique. Je veux quand même rappeler que les produits que nous utilisons aujourd'hui dans l'alimentation sont des produits qui vont chercher le rendement, et ont un impact économique sur les rendements des agriculteurs, mais ce sont aussi des produits qui, pour certains, ont permis d'éviter un certain nombre de maladies liées à l'alimentation, dont on mourrait. Il faut que nous fassions attention dans les changements de modèles agricoles, à ne pas voir réapparaître des maladies anciennes, comme le botulisme. C'est très important que nous soyons attentifs à l'impact de toutes les reconversions agricoles sur la santé.

Comme tout le monde, je suis convaincue que nous devons changer notre modèle agricole. Le Gouvernement est pleinement engagé. Il a un objectif de réduction de 50 % des pesticides à l'horizon 2025. C'est le plan Ecophyto sur lequel nous sommes engagés. Nous sommes le seul pays à avoir pris l'engagement de sortir du glyphosate en trois ans. Nous avons bien évidemment des engagements puissants de la France. Faisons attention aussi à ne pas exposer nos populations à des aliments venant d'ailleurs, c'est-à-dire en mettant une pression extrêmement forte sur nos agriculteurs, et se retrouver avec des produits agricoles importés qui seraient de moins bonne qualité. Je regarde tous ces enjeux de façon très attentive.

Je regarde aussi les enjeux de recherche et de connaissance, parce qu'en réalité, nous mettons dans le même panier tout un tas de produits dont nous ne connaissons pas la toxicité individuelle, et encore moins la toxicité cumulée. Je pense que nous avons un énorme travail à faire, de recherche sur les toxicités environnementales. Nous disposons d'une base extraordinaire. Pour la première fois, Santé publique France a publié une étude T0, c'est-à-dire qui va nous permettre de regarder ce qui se passe à l'avenir, un T0 de toute l'imprégnation de la population française en termes de pesticides et de produits phytopharmaceutiques. Cette étude a été rendue publique il y a un mois, et cela va nous permettre de voir si à l'avenir, toutes les politiques que nous menons permettent réellement une réduction de l'imprégnation de la population. C'est très important. Mon travail est de réduire au maximum les imprégnations, vérifier que les politiques que nous menons ne font pas émerger de nouveaux risques, pour que nous ne nous mettions pas à utiliser de nouveaux produits qui seraient a priori moins toxiques, et qui risqueraient en fait d'avoir d'autres toxicités de long terme que nous ne connaissons pas. À chaque fois que nous touchons à ces politiques, je regarde l'impact immédiat et l'impact à long terme. Mon travail est de vérifier que la population française est le moins imprégnée possible en produits chimiques, quels qu'ils soient. Je pense que si nous pouvons éviter les produits chimiques, il faut le faire. Mon devoir est aussi de vérifier que les décisions que nous prenons n'exposent pas à des risques à long terme différents de ceux que nous envisageons aujourd'hui. En réalité, de quoi souffrons-nous dans les scandales que vous évoquez ? Il s'agit de décisions prises il y a 30 ans ou 40 ans, dont nous n'avons pas perçu l'impact sanitaire 40 ans après. Je ne voudrais pas être une ministre qui participe à prendre des décisions qui vont avoir un impact sanitaire de 30 à 40 ans que nous n'aurons pas vu. Soyons très attentifs à ce que nous faisons.

Enfin, nous mettons en place un quatrième plan national santé environnement, qui va être révélé très prochainement, pour les années 2020. Cela va s'appeler « Ma santé, mon environnement », et va veiller à renforcer tous les travaux de recherche sur la santé environnementale – notre niveau de connaissance étant insuffisant – et favoriser la réduction des risques, l'information des populations vulnérables, femmes enceintes, enfants en bas âge, etc. Ce plan est un engagement très fort, notamment pour la santé des enfants, avec un site internet que nous venons d'ouvrir, qui s'appelle « J'agis pour bébé ». C'est un site pour toutes les femmes enceintes et tous les parents d'enfants en bas âge, qui permet de mieux connaître les produits chimiques auxquels ils sont exposés, et pas seulement alimentaires ; c'est aussi dans la maison. Le principe de précaution doit prévaloir. Dès que nous pouvons réduire un risque, nous le réduisons. Nous avons aussi dans les agences sanitaires, mais maintenant au niveau européen, une voie française apportée sur la réduction des conflits d'intérêts et les liens d'intérêt des experts. En France, les choses ont été assez bien réglées depuis la loi relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, mais je pense qu'au niveau européen, il y a encore beaucoup d'actions à mener.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.