Intervention de Annick Girardin

Réunion du mardi 15 octobre 2019 à 17h45
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Annick Girardin, ministre des outre-mer :

Vous avez auditionné hier mes collègues Frédérique Vidal et Agnès Buzyn, qui sont des scientifiques de formation et de renom. Elles ont pu, à cette occasion, répondre à vos questions de façon précise et détaillée dans leurs champs respectifs. Pour ma part, vous le savez, je suis une femme de terrain, une politique qui est députée depuis 2007 et, je l'avoue, j'ignorais presque la question du chlordécone jusqu'à mon arrivée à l'Assemblée nationale. Mais très vite, j'ai pris la mesure du sujet au contact des parlementaires ultramarins, et notamment ceux qui venaient de Martinique et de Guadeloupe. J'ai saisi qu'il y avait là une incompréhension, une défiance à l'égard de l'État et de l'ensemble des gouvernements successifs. Je crois même que l'on peut parler de suspicion – le mot est important – de dissimulation d'information. Ce qui est clair, c'est qu'il y avait une perte de confiance totale. C'est à mon arrivée au ministère des outre-mer et au gré de vos interpellations, courriers d'associations, de particuliers également, en allant sur place en Martinique, en Guadeloupe, au contact des populations antillaises, que j'ai compris la gravité de l'impact du chlordécone au niveau sociétal dans les Antilles françaises. J'ai dit « sociétal », car au-delà des données scientifiques qui sont exposées, c'est bien le ressenti et certainement le manque d'information de nos concitoyens qui est au coeur du sujet. Comment ne pas réagir quand on entend des mots comme « empoisonnement collectif » ? Comment répondre à ce besoin plus que légitime de comprendre et d'être rassuré ? Ce qu'ont exprimé les Martiniquaises, les Martiniquais, les Guadeloupéennes et les Guadeloupéens.

Je veux bien sûr ici saluer la création de cette commission qui doit permettre de faire la lumière sur ce passé et de proposer, c'est ce qui m'intéresse, des solutions pour l'avenir à la hauteur du drame vécu par les Antilles. Plus largement, le deuxième, le troisième, et le quatrième plan chlordécone que nous allons travailler ensemble doit répondre au souci de transparence et à l'obligation que nous avons tous aujourd'hui, État et Gouvernement, devant les populations, d'être à ce rendez-vous.

Je crois qu'il faut que nous changions nos méthodes, que nous renforcions la communication. Les plans déployés par l'État ont été insuffisamment expliqués et je l'ai dit dès mon arrivée au ministère, il y a des actions, des mesures, des plans, mais force est de constater que nous, État, avons encore des efforts à faire sur l'information, sur la communication des populations. Au-delà aussi, nous avons des efforts à faire dans nos actions, dans la sécurité alimentaire, qui pose d'ailleurs la question de la mutation du système de production agricole et de pêche, et je sais que demain, mon collègue ministre de l'agriculture et de la pêche sera devant vous. C'est dans ces circonstances que j'ai souhaité réunir au ministère des outre-mer la ministre de la Santé, puisque nos directions respectives copilotaient le plan chlordécone avec le ministère de l'Agriculture en mars 2018, en présence de l'ensemble des parlementaires – certains sont ici – et présidents d'exécutif de Guadeloupe et de Martinique. Je tiens encore à remercier l'ensemble des participants à cette réunion parce qu'elle était inédite. C'est la première fois, au vu des données que nous avions en arrivant, qu'avec la ministre de la Santé, nous avons décidé d'animer nous-mêmes ce type de rencontres avec les élus, d'animer nous-mêmes les rendez-vous bilan du plan chlordécone III, mais aussi la future préparation du plan chlordécone IV. Je veux ici dire que ce n'était pas une habitude, que les ministres prennent directement en main ces dossiers, mais cela a été pour nous une évidence. Très vite d'ailleurs, Frédérique Vidal, son cabinet, et celui de Nicolas Hulot nous ont rejoints pour préparer la feuille de route 2019-2020 que le Président de la République avait annoncée. Bien sûr, nous l'avons fait avec Jérôme Salomon, le directeur général de la santé (DGS), et avec Emmanuel Berthier, le directeur général des outre-mer (DGOM), qui copilotent ce dispositif. Les rendez-vous à ce moment-là ont été largement médiatisés parce que des ministres étaient à la barre, parce que des parlementaires étaient en face pour faire en sorte que nous arrivions à trouver des solutions ensemble aux inquiétudes qui étaient posées. Je reste persuadée que cette transformation, cette manière de travailler différemment, cette volonté de travailler tous ensemble, ont fait que ce sujet a largement été remis sur le haut des priorités du gouvernement. Cela a été confirmé aussi par, en parallèle, les propos du Président de la République qui ont été clairs au sujet du chlordécone. Il était aux Antilles. Il a déclaré : « la pollution au chlordécone est un scandale environnemental. La responsabilité en est collective. L'État doit prendre sa part de responsabilité dans cette pollution. » C'est la première fois qu'un président s'exprime sur le chlordécone de cette manière sur les territoires concernés et reconnaît sa part de responsabilité. Cette responsabilité partagée nous oblige à l'action, à une action collective et coordonnée entre l'État, les collectivités territoriales notamment, mais ce sont aussi des actions que nous devons mener avec les populations.

Vous savez, ma manière de faire, c'est la co-construction. Cette co-construction, nous devons la faire avec celles et ceux qui sont directement concernés. C'est certainement à l'échelon local que nous avons péché en n'intégrant pas assez dans nos réflexions les maires, par exemple, qui sont au plus proche des populations, et les populations elles-mêmes. Je crois que c'est tout le sens du travail de transparence que nous avons voulu mettre en place depuis maintenant de nombreux mois. C'est le sens aussi du travail au plus proche du terrain avec les COPIL (comités de pilotage locaux). Il faudra que nous arrivions à redynamiser le travail dans ces réunions de terrain parce que nous pouvons constater aujourd'hui qu'il n'y a pas assez de participation locale, sans doute parce que c'est nouveau, sans doute parce que personne n'en a encore pris l'habitude.

Avec mes collègues ministres, nous sommes engagés collectivement au nom du Gouvernement aux côtés des Antillais et des Antillaises sur la question de la pollution au chlordécone.

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