Intervention de Serge Letchimy

Réunion du mardi 15 octobre 2019 à 17h45
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Letchimy, président :

Considérez-vous que le PITE soit un fonds capable de répondre à l'ampleur des dégâts ? Parce qu'avec le PITE, vous faites tout. Vous augmentez le nombre de prélèvements, vous augmentez le nombre de contrôles, vous financez des actions de recherche. Honnêtement, pour 800 000 personnes, ce n'est pas grand-chose. Tout le monde parle du PITE comme si c'était un monument. C'est une souris, une fourmi, par rapport au drame. C'est tout petit. Je me permets de vous le dire. Très honnêtement, permettez-moi de vous dire que je suis choqué que l'on croie que le PITE va régler le problème.

Pour faire les analyses de sol, à supposer que nous soyons d'accord sur le fait que ce soit obligatoire, prenons l'exemple : 15 000 hectares obligatoirement à analyser. Pour orienter une politique, il faut savoir ce qu'il y a dans le sol. On ne connaît pas la quantité de chlordécone. Comment voulez-vous orienter une politique d'usage ? En plus, vous êtes dans l'usage culturel. C'est l'informel. L'informel, c'est 70 % des échanges. Ce n'est pas rien. C'est ce qui nous nourrit et nous fait garder une culture culinaire de la production qui nous est propre. C'est qui nous sommes, notre identité. Si on ne met pas les moyens pour l'endogène, la pollution locale, nous sommes les rois des importations. Nous sommes les rois de la bouffe importée. Le PITE, c'est 3 millions d'euros pour deux pays, donc 1,5 million par pays. Ce n'est rien du tout. Comment la République peut-elle se permettre de dire à un peuple : « avec trois millions d'euros, vous êtes servis » ? Les 15 millions d'euros qu'il y a pour les fonds européens, lorsque quelqu'un qui « je ne mets rien parce que cela ne me regarde pas », c'est le cas de la Martinique, nous n'avons pas ces 15 millions. Il faut avoir le courage de le dire, personne ne le dit. Les agriculteurs qui veulent analyser leur sol doivent payer en Martinique. On ne sait pas si cela va être obligatoire. Comment voulez-vous piloter un plan de reconquête du sol et de l'agriculture sans savoir ce qu'il y a dans le sol ? C'est comme si vous faisiez voler un avion sans vérifier s'il y a de l'essence dedans. Il a décollé, mais il va tomber à un moment donné.

Nous sommes d'accord sur tout, vous le savez bien, mais pas sur cela. Je considère qu'il n'y a pas de manifestation d'intérêt national quand on reste quatre ans sans pilotage du chlordécone, quand il n'y a pas de réunion interministérielle, dont les réunions interministérielles deux fois par an pour organiser une interministérielle. J'ai bien senti qu'entre Mme Agnès Buzyn et Mme Frédérique Vidal, il n'y a pas de coordination. Les deux ont répondu deux choses radicalement différentes sous l'autorité du même ministre, du Premier Ministre. Comment voulez-vous parler d'interministériel ? C'est un pilotage à vue.

Oui, vous avez raison. Les plans chlordécone de 2008, c'était une excellente idée. Dire que rien n'a été fait serait un mensonge, mais ce n'est pas à la hauteur. Nous sommes vraiment dans un rythme de type molokoï selon l'expression créole, de tortue.

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