Intervention de Luc Multigner

Réunion du lundi 1er juillet 2019 à 15h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Luc Multigner :

J'ai bien précisé que ce chiffre de vingt, trente ou quarante sur cinq cents, est une estimation grossière. Ce travail devrait être fait par les agences et les institutions, qui en ont les capacités et disposent de tout l'environnement scientifique nécessaire. Si je me suis permis de lancer cette estimation, c'est parce que cela fait des années que la question est posée. Je me permets, à titre personnel, de lancer un chiffre : il sera confirmé ou infirmé, mais il faut bien commencer…

J'en viens à votre question plus générale. Vous avez parlé du cancer de la prostate et des facteurs génétiques, mais il existe d'autres facteurs : environnementaux, par exemple, qui sont très mal étudiés, aux Antilles et ailleurs. D'autres facteurs tiennent à l'alimentation, à l'activité physique, qui jouent également un rôle dans la survenue des cancers, notamment le cancer de la prostate. En tant que chercheur de l'INSERM, j'ai été souvent interrogé sur le lien de causalité entre le chlordécone et le cancer de la prostate. En raison de son expertise collective, les autorités ont récemment sollicité l'INSERM, afin d'actualiser les données de l'expertise de 2013. Son rapport a été transmis aux autorités de tutelles et aux demandeurs en début d'année, puis rendu public et mis en ligne, il y a quelques jours. C'est un document de soixante-dix pages avec tous les détails, un travail collectif d'experts dont vous trouverez les noms. Je puis vous en lire la conclusion, en commençant par la fin, pour poser le contexte : « Établir scientifiquement une relation de causalité entre l'exposition aux xénobiotiques et un événement indésirable pour la santé chez l'homme est un exercice difficile, surtout si cet événement se produit, longtemps après le début de l'exposition – c'est le cas du cancer de la prostate, en particulier. L'évaluation d'une relation de causalité ne procède pas de la démonstration, mais d'un jugement et c'est la convergence des conclusions issues d'études épidémiologiques de données toxicologiques et mécanistiques qui permet d'apprécier la vraisemblance d'une relation causale. En accord avec les conclusions d'expertises collectives de 2013, et à la lumière des données scientifiques existantes à ce jour, il apparaît que la relation causale entre l'exposition au chlordécone et le risque de survenue de cancer de la prostate est vraisemblable. » Cette expertise, finalisée fin février, n'a pas pu tenir compte de la plus récente publication sur la récidive qui date du mois de mars, qui n'infirme toutefois pas les propos qui ont été tenus.

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