Intervention de Thierry Caquet

Réunion du jeudi 4 juillet 2019 à 11h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Thierry Caquet, directeur scientifique environnement :

J'ai participé au comité stratégique d'orientation recherche et innovation du plan Écophyto. Du point de vue scientifique et du point de vue de la gestion du risque, il serait contre-productif de considérer séparément les contaminants anciens et actuels. Quand on lance des appels à projets dans le cadre du plan Écophyto, on a du mal à inciter à considérer aussi les anciennes contaminations par le chlordécone. La comitologie du plan Écophyto est compliquée. Au prétexte que ce ne sont pas les pratiques actuelles, on aurait tort de ne pas les prendre en compte dans le plan Écophyto qui vise à réduire les usages des produits actuellement utilisés. Il me paraît important de faire le lien entre ces différents plans. Nous avons du mal à faire passer cette idée dans les différentes instances, car nous sommes suspectés de vouloir faire financer par un plan ce qu'un autre pourrait assumer.

Je pense que le plan Écophyto ne devrait pas se limiter à étudier les usages actuels, à chercher à réduire l'utilisation de telle ou telle molécule mais il devrait davantage repenser la conception de nos systèmes de culture et leur protection, laquelle est complexe en zone intertropicale où les conditions climatiques sont favorables au développement d'un certain nombre de bio-agresseurs. J'évoquais tout à l'heure la place prise par l'INRA en zone Caraïbe en matière de transition agro-écologique. Notre stratégie d'institut consiste à dire : puisque, dans de nombreuses régions du monde la protection phytosanitaire s'est engagée dans une impasse, aux Antilles comme en Hexagone, nous devrions nous orienter vers d'autres systèmes de production plus économes en intrants, notamment en produits phytosanitaires. Il faut avancer sur les deux pieds. Le plan Écophyto 2 peut non seulement nous aider, dans la problématique qui nous occupe aujourd'hui, à avoir à la fois la vision à 360 degrés sur l'impact des molécules actuelles et leurs interactions avec tout ce qui s'est passé précédemment, notamment avec le chlordécone, mais il doit aussi définir de nouvelles stratégies de protection en vue de réduire ou de supprimer l'utilisation de certaines substances. Sinon on est peut-être en train de faire germer les prochaines crises, sachant que plus on utilise de produits et plus les bio-agresseurs deviennent résistants, et l'on doit, soit changer de molécule, soit augmenter les concentrations, avant de se retrouver tôt ou tard dans une impasse pour la protection chimique des cultures.

À mon sens, le plan Écophyto ne doit pas se limiter à caractériser la présence et les impacts des produits, il doit aussi repenser toute la protection. Après le co-développement autour de la culture de la banane avec des intrants phytosanitaires réduits, on peut aller plus loin. La transition agro-écologique qu'on essaie de développer en Hexagone et à laquelle s'attelle l'INRA avec le ministère de l'Agriculture doit concerner aussi la situation antillaise et tous les territoires ultramarins. Cette une mission n'est pas propre à l'INRA mais nous avons notre mot à dire.

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