Intervention de Hervé Macarie

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 9h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Hervé Macarie, microbiologiste à l'IRD Marseille, spécialiste de la bioremédiation :

Pourquoi a-t-on appelé cette molécule « chlordécone » ? Le préfixe vient du fait qu'elle contient du chlore. Le terme « décone » est issu de « décane », en raison de la présence de dicarbone, le suffixe « one » correspondant à la fonction cétone. Comme je l'ai indiqué, le chlordécone a une structure en cage. Elle appartient au groupe des « bis-homocubane ». À l'origine, les chimistes sont tombés un peu par hasard sur ce type de structure. Elle se caractérise par des angles de près de 90 degrés, ce qui semblait chimiquement impossible. La structure du chlordécone se caractérise par une double liaison entre un atome de carbone et un atome d'oxygène : c'est ce que l'on appelle une « fonction cétone ». Au contact de traces d'eau, une réaction spontanée se déclenche, qui conduit à la transformation de la cétone en un dialcool. Dans l'environnement, dans notre corps, la chlordécone est essentiellement présente sous la forme de dialcool.

La solubilité de la chlordécone est avérée en présence d'un pH – potentiel hydrogène – 7, c'est-à-dire neutre, et à température ambiante ; elle est de l'ordre de 2 à 3 milligrammes par litre. On dit généralement qu'elle est peu soluble. En réalité, par rapport aux autres polluants organiques persistants, elle présente un haut degré de solubilité. Peut-être avez-vous entendu parler du MIREX, qui a la même structure – en cage – que le chlordécone mais une solubilité limitée à 0,085 milligramme par litre. D'un côté, on a 3 milligrammes par litre, dans des conditions classiques, et, de l'autre, 0,085 milligramme. Le chlordécone est donc, en réalité, l'un des polluants organiques persistants les plus solubles. La solubilité dépend du pH et s'accroît à mesure que celui-ci augmente. On a mesuré la solubilité de la chlordécone jusqu'à un pH de 10,9, niveau auquel elle atteint 176 milligrammes par litre. Les sols antillais sont, dans l'ensemble, acides, ce qui engendre une solubilité de l'ordre de 2 à 3 milligrammes. Le chlordécone présente un coefficient de partage octanol-eau compris entre 4 et 5. Autrement dit, bien qu'il soit un peu soluble dans l'eau, il va plutôt se fixer sur la matière organique, dès que celle-ci apparaît. Des collègues ont réalisé une expérience consistant à ajouter, à une solution de chlordécone à 1 milligramme par litre, de la matière organique à 0,5 gramme par litre : en cinq minutes – temps à partir duquel commençait l'expérience –, 85 % de la chlordécone avait quitté le stade aqueux et avait été absorbée.

Si l'on prend en compte le Koc – coefficient de partage eau-sol –, le chlordécone atteint des valeurs comprises entre 1 000 et 2 000 millilitres par gramme. Ces résultats indiquent que cette molécule est très fortement absorbée par le sol, ce qui explique pourquoi, en l'absence de dégradation, dans les conditions environnementales normales des sols antillais, elle se caractérise par une telle persistance. Elle va en effet rester fixée au sol ; seule, sous l'action des pluies, une petite part sera entraînée par l'eau.

Par ailleurs, le chlordécone est extrêmement peu volatile ; de faibles quantités de cette molécule peuvent être désorbées du sol pour gagner l'atmosphère. En revanche, des particules de sol, des poussières sont susceptibles d'être emportées.

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