Intervention de Thierry Woignier

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 9h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Thierry Woignier, directeur de recherche à l'Institut de recherche et de développement :

Je n'ai pas de réponse au sujet des poussières. Comme l'a dit Monsieur Hervé Macarie, des organismes, tels l'ANSES, cherchent à déterminer si les poussières de sols chlordéconés présentent une forme de volatilité ; ils pourraient vous apporter des réponses. Il me paraît toutefois très peu probable que l'on ait un peu de poussière de chlordécone sur soi. Je vis en Martinique mais je ne me pose pas vraiment ce genre de questions. Je vis avec.

S'agissant de votre première question, l'ISCR présenterait, d'après les calculs qui ont été faits, un coût de l'ordre de 170 kiloeuros à l'hectare. Pour ma part, j'ai chiffré le coût de la séquestration, qui est évidemment beaucoup moins élevé, à un montant compris entre 3 et 7 kiloeuros à l'hectare. Ce procédé consiste, je le rappelle, à ajouter de la matière organique pour fixer le chlordécone, ce qui empêche son transfert ou, du moins, le limite – elle ne le nettoie pas mais le retient. Pendant une durée de six mois à un an, le procédé fonctionne bien. Au-delà de cette période, faute d'avoir pu mener les expériences nécessaires, on ne sait pas si la matière organique se stabilise ou, au contraire, se minéralise – cette seconde issue paraissant la plus logique. On peut penser qu'à un moment donné, elle va se transformer et ne plus jouer son rôle. Il est donc vraisemblable qu'on doive renouveler l'opération régulièrement.

Un autre procédé est proposé, à base de biochar, à savoir de matières organiques stabilisées, qui se détruiront moins facilement. Nous menons actuellement un projet de recherche avec la société martiniquaise VALECOM, même si des difficultés de financement nous empêchent de lancer réellement les expériences. Il s'agirait de travailler non pas avec du compost, mais avec du biochar, qui fixerait la matière organique. C'est un amendement agricole beaucoup plus stable, qui se transforme beaucoup moins rapidement en une matière qui ne remplirait plus son office.

Tous les procédés dont on a parlé – les bactéries, l'ISCR et la séquestration – présentent des avantages et des inconvénients. Aucun d'eux ne constitue une solution immédiatement disponible. Une méthode fonctionnera dans certains cas, mais moins, voire pas du tout, dans d'autres. L'ISCR apportera de très bons résultats dans des zones plates, où on pourra ajouter de l'eau, compacter les sols, travailler en condition anoxique. En revanche, elle ne pourra être appliquée dans des zones très montagneuses – ou, du moins, sur ce que l'on nomme les « mornes », bien connus aux Antilles – ni sur les sols du nord de la Martinique. Dans ces derniers cas, en effet, le manque d'accessibilité ne permettra de nettoyer que 20 % de la chlordécone s'y trouvant. Si on se satisfait de cela, pourquoi pas, mais cela représente un coût important pour un résultat très limité.

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