Intervention de Hervé Macarie

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 9h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Hervé Macarie, microbiologiste à l'IRD Marseille, spécialiste de la bioremédiation :

Sans être des spécialistes de la phytoremédiation, nous savons, d'après les travaux de nos collègues du CIRAD, que les plantes alimentaires sont contaminées, à partir de certains niveaux de pollution, au-delà des limites maximales de résidus. Plusieurs méthodes peuvent être employées.

Dans le cadre de la phytoextraction, une plante accumule un polluant dans ses parties aériennes et, ce faisant, la retire du sol. En l'occurrence, ce phénomène n'a pas été observé dans les plantes alimentaires. Un chercheur de l'INRA a publié récemment une étude à ce sujet. Il a utilisé une plante d'un usage courant en phytoremédiation, du type des viscontus. Sur des sols contaminés à hauteur de 1 milligramme de chlordécone par kilo de matière sèche – ce qui constitue un niveau élevé – le viscontus était capable d'éliminer à peu près 1 gramme de chlordécone à l'hectare dans ses parties aériennes par an. Or, sur les 30 premiers centimètres, ces sols abritent un stock de 3 000 grammes de chlordécone à l'hectare. Vous mesurez aisément la disproportion.

Vous voyez que par rapport au lessivage des sols, la phyto-extraction n'entraîne pas d'élimination, mais seulement un transfert du chlordécone. Car on n'a jamais de lessivage du chlordécone. On est seulement dans des ordres de grandeur négligeables, si on veut l'extraire avec ces plantes.

Cependant, je ne suis surtout pas en train de dire qu'il n'y a pas de plante qui serait peut-être capable d'hyper-accumuler la chlordécone. Les éléments que l'on possède aujourd'hui ne semblent pas dire que c'est une voie prometteuse. Mais je sais qu'un collègue de l'INRA, Monsieur François Laurent, pense à des plantes absorbant beaucoup plus d'eau, et donc entraînant avec elles beaucoup plus de chlordécone. Il y a donc peut-être des recherches à faire. En tout cas, selon les éléments d'aujourd'hui, la phyto-extraction ne semble pas une voie prometteuse.

Cela étant dit, il y a d'autres mécanismes, tels que la phytoremédiation ou la phytoévaporation. Toutefois, on a vu que le chlordécone est peu volatil. Donc cela ne semble pas non plus quelque chose qui soit vraiment prometteur. Il peut aussi y avoir de la dégradation par les enzymes propres de la plante ; pour l'instant, il n'y a cependant pas d'indicateurs qui semblent le montrer.

Il peut y avoir de la rhizo-stimulation : la plante, à travers ses racines, apporte de la matière et des aliments aux micro-organismes qui sont présents dans sa rhizosphère ; cela va stimuler leur activité. Toutefois, en général, elle injecte en même temps de l'air, or c'est plutôt en absence d'oxygène que des micro-organismes seront capables d'attaquer la chlordécone. Je ne vous livre qu'un avis personnel : cela ne me semble pas être quelque chose qui soit envisageable.

Enfin, il y a aussi la phyto-stabilisation, un peu semblable à la séquestration, c'est-à-dire qu'au niveau de leurs racines, les plantes vont piéger la chlordécone et la rendre moins mobile, pour les nappes phréatiques par exemple.

Voilà quelques éléments qui semblent montrer qu'en tout cas, la phytoextraction ne semble pas être une voie prometteuse.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.