Intervention de Laurence Eslous

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 11h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Laurence Eslous :

Je vais prendre la suite en ce qui concerne les conclusions auxquelles la mission est arrivée : comme vient de vous l'indiquer Jean-Bernard Castet, il n'a participé qu'aux premières investigations, qui ont lieu jusqu'en juillet. Les trois autres membres de la mission ont poursuivi leurs recherches en septembre et en octobre, puis ont rédigé le rapport en novembre. En décembre, les différents processus de relecture qualité, interne aux inspections, ont eu lieu. Enfin, en janvier, le produit a été diffusé aux ministres commanditaires.

Après avoir investigué les dispositifs actuels d'indemnisation – soit, pour l'essentiel, les dispositifs de sécurité sociale de couverture des maladies professionnelles –, après avoir sollicité des scientifiques et avoir fait, comme l'a dit Jean-Bernard Castet, le tour des fonds d'indemnisation existants et en avoir tiré des principes susceptibles de servir de guides en cas de création d'un fonds d'indemnisation spécifique, la mission a proposé, dans la cinquième partie du rapport, différents scénarios possibles, comme l'y invitait la lettre de mission.

Le premier scénario envisagé, vu comme un scénario socle, porte sur l'amélioration de l'indemnisation dans le cadre des régimes accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP), en réponse aux constats effectués par la mission dans la deuxième partie du rapport. Ce scénario vise plusieurs objectifs. Le premier est d'améliorer l'évolutivité des tableaux des maladies professionnelles, pour qu'ils soient plus à jour au regard des expertises scientifiques. Pour porter son appréciation sur ce point, la mission s'est référée à l'expertise collective de l'INSERM de 2013, déjà citée par Jean-Bernard Castet. Comme vous l'aurez constaté, la mission ne comptait aucun expert scientifique, car notre rôle n'était pas de cet ordre. Nous nous sommes en revanche entretenus avec des experts scientifiques pour savoir quelle était la bonne source sur laquelle nous appuyer, en l'état des connaissances au moment de la mission. En l'occurrence, c'est l'expertise de l'INSERM qui a guidé les recommandations de la mission.

Le premier scénario vise également à améliorer l'égalité de traitement entre les victimes professionnelles. Il s'agit, d'abord, de garantir l'égalité entre les exploitants agricoles et les salariés agricoles. En effet, s'il existe des tableaux de maladies professionnelles en lien avec les pesticides pour ces deux catégories de population, les niveaux de réparation sont différents. L'égalité de traitement passe, ensuite, par une meilleure articulation entre les différents régimes de sécurité sociale. Ainsi, il a semblé à la mission que le fait de relever de différents régimes ne devait pas faire obstacle à l'existence d'une couverture des risques à ce titre. En particulier, un exemple a été souvent donné : celui du salarié d'une usine de production d'herbicides, qui relève du régime général et, de ce fait, n'a pas accès à l'indemnisation, puisque celle-ci découle des tableaux de maladies professionnelles du régime agricole.

Enfin, dans ce scénario, nous proposons de mener des campagnes d'information, qui sont nécessaires pour faire baisser le non-recours aux droits. En effet, les droits sont mal connus – non seulement par les victimes, mais également par les médecins amenés à intervenir dans le processus de reconnaissance de maladie professionnelle.

Les autres scénarios, numérotés de deux à sept, sont quant à eux présentés dans l'hypothèse où les pouvoirs publics souhaiteraient créer un fonds d'indemnisation. Ils se distinguent les uns des autres par trois variables. La première concerne les pathologies couvertes : il s'agirait d'étendre le champ des pathologies couvertes actuellement par les tableaux de maladies professionnelles des régimes agricoles, et ce en cohérence avec l'expertise délivrée par l'INSERM en 2013.

La deuxième variable est le champ des populations couvertes. L'idée est d'étendre la population cible à indemniser au-delà du périmètre du régime accidents du travail – maladies professionnelles. Cette extension vise notamment les proches et les enfants victimes du fait de l'exposition professionnelle de leurs parents, pour lesquels l'expertise collective de l'INSERM fait état d'une présomption forte de causalité en ce qui concerne certains cancers ou malformations. Les retraités, qui ne bénéficient plus du régime accidents du travail – maladies professionnelles, alors même que les pathologies peuvent mettre un certain temps à apparaître, seraient eux aussi visés par cette extension du champ.

La troisième variable qui guide les différents scénarios est le niveau de la réparation. Deux options ont été présentées par la mission, avec des chiffrages différents, dépendant de l'ampleur de la réparation, celle-ci étant soit forfaitaire, soit intégrale.

Pour finir, la mission a tenté, comme le lui demandait la lettre de mission, d'estimer les dépenses en fonction des différents scénarios. À cet égard, il est essentiel de noter, comme la mission l'a indiqué, que les chiffrages avancés sont des ordres de grandeur destinés à guider les pouvoirs publics, que des difficultés méthodologiques importantes ont été rencontrées et que le nombre de sources était réduit.

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