Intervention de Denis le Paslier

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 14h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Denis le Paslier, chercheur en biologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) :

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je vous remercie de nous avoir invités à participer à cette audition.

Je suis Denis Le Paslier, directeur de recherches au CNRS. Généticien de formation, je travaille actuellement plutôt dans le domaine de la microbiologie et je suis responsable du laboratoire « Métagénomique des procaryotes » – on appelle « procaryotes » l'ensemble constitué des bactéries et des archées, et le terme « métagénomique » fait référence au fait que ces micro-organismes vivent en communauté plutôt qu'individuellement.

Je précise que l'ensemble des propos que je tiendrai devant vous n'engage que moi, et en aucun cas mes autorités de tutelle que sont le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), le CNRS et l'Université d'Évry.

L'histoire du chlordécone a commencé pour nous en 2009 – nous ne nous étions alors jamais intéressés à cette mollécule dans le cadre des recherches effectuées dans nos laboratoires – avec la parution du rapport de Monsieur le député Jean-Yves Le Déaut et de Madame la sénatrice Catherine Procaccia. Ces parlementaires ont contacté l'Agence nationale de la recherche (ANR) afin de financer une recherche sur la biodégradation du chlordécone. Nous avons donc déposé une demande de financement à l'ANR, mais elle a été rejetée. Notre directeur de l'époque, Monsieur Jean Weissenbach, directeur de recherches et médaille d'or du CNRS, a cependant décidé de nous faire poursuivre ce projet qui représentait un défi important et intéressant, tant du point de vue de la recherche fondamentale que d'un point de vue sociétal. Au final, nous avons sollicité l'ANR quatre fois lors de divers appels à projets, mais ont tous été refusés.

En mai 2010, j'ai été invité par mon ami Yves-Marie Cabidoche à participer à un atelier sur « la remédiation à la pollution par le chlordécone aux Antilles », qui s'est tenu à la Martinique et à la Guadeloupe. Notre participation à cet atelier international nous a confortés dans l'idée qu'il fallait poursuivre les travaux pour étudier la dégradation de la chlordécone.

Finalement, en dix ans, nous n'avons reçu que 30 000 euros de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) lors d'un appel à projets portant sur le chlordécone et, récemment, 19 000 euros par le préfet de la Martinique, Monsieur Franck Robine, via la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DRRT) de Martinique pour étudier les sédiments de la James River, dont vous a parlé Monsieur Luc Multigner il y a quelques jours et dont nous vous reparlerons peut-être plus tard.

Ce manque de financement de la recherche sur la dégradation du chlordécone n'a fait que retarder l'obtention des résultats que nous allons vous présenter maintenant.

Après avoir publié un premier article en 2016, montrant que le chlordécone pouvait être dégradée par des consortia bactériens, c'est-à-dire des mélanges de bactéries obtenus sous contrôle en laboratoire, nous avons isolé des bactéries capables de dégrader le chlordécone de la même façon. L'utilisation de méthodes de chimie analytique a permis à Monsieur Pierre-Loïc Saaidi et son équipe d'établir la structure chimique de nombreux produits de dégradation du chlordécone et de les classer en au moins cinq principales familles.

Nous vous avons apporté un document résumant nos résultats les plus récents, publiés sous la forme d'un article dans la revue Environmental Science and Technology, ainsi que des diapositives que nous allons vous commenter, et un ensemble de suggestions portant sur des projets de recherches relatifs au chlordécone.

Publiés en juin 2019, les résultats de notre étude ont été présentés en octobre 2018 à Schoelcher, à la Martinique, lors du colloque « Chlordécone, Santé, Environnement ». Dans cet article, nous avions montré, pour la première fois, que de nombreux produits de dégradation du chlordécone existent dans des échantillons de sols, d'eaux de rivière, de mangrove et de sédiments de mangrove de Martinique.

Si vous le permettez, je vais maintenant laisser la parole à Monsieur Pierre-Loïc Saaidi pour se présenter et commenter les diapositives.

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