Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 15h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Jérôme Salomon :

La politique de santé publique concernant le chlordécone repose sur trois volets : l'amélioration des connaissances, la réduction des expositions et la surveillance. Comme vous le savez, ces travaux sont en place depuis vingt ans. La connaissance des impacts sanitaires du chlordécone s'affine depuis ce temps, grâce aux études mises en place par le ministère de la santé. Par exemple, l'exposition au chlordécone est associée à des effets sur le déroulement de la grossesse, avec un surrisque d'accouchement prématuré, et sur le développement de l'enfant, avec un moins bon score du neurodéveloppement du nourrisson. Ces connaissances ont été admises grâce à l'étude de cohorte mère-enfant Timoun, lancée par l'Inserm en 2004, qui a confirmé les effets de perturbateur endocrinien du chlordécone.

Nous savons que le chlordécone a des propriétés hormonales et que cette molécule est classée actuellement comme cancérogène possible, du groupe 2B, par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC). C'est pourquoi les recherches de l'Inserm se sont focalisées d'emblée sur ce que l'on appelle les cancers hormonodépendants, en particulier sur le cancer de la prostate, qui était, comme vous le savez, une préoccupation majeure aux Antilles. L'Inserm conduit l'étude Karuprostate en population générale, en Guadeloupe, depuis 2004, qui a montré que le risque de survenue du cancer de la prostate était plus important chez les hommes dont la concentration en chlordécone dans le sang est la plus élevée. Il est cependant nécessaire de quantifier le surrisque, c'est-à-dire d'estimer le nombre de cas de cancers de la prostate attribués au chlordécone sachant qu'il existe d'autres facteurs de risques, l'âge, par exemple, les facteurs génétiques ou l'alimentation – le professeur Multigner vous a aussi présenté aussi ses travaux.

L'Inserm poursuit ses recherches sur ce cancer, avec l'étude de cohorte KP-Caraïbes, constituée de cas incidents et suivie prospectivement en Guadeloupe et en Martinique. Nous sommes actuellement à 300 cas incidents inclus annuellement, pendant les six années consécutives de l'étude, avec un effectif final attendu de 1 500 à 1 800 cas. Cette étude s'intéresse à l'influence du chlordécone, mais aussi à tous les autres facteurs génétiques, cliniques et environnementaux et à l'évolution de la maladie – survie sans récidive et survie sans progression de la maladie.

Nous savons également que la mortalité des travailleurs de la banane est globalement proche de la mortalité observée dans la population générale antillaise. Ces résultats ont été admis grâce à l'analyse des données de mortalité de la cohorte de travailleurs qui comprend 13 417 exploitants agricoles et salariés agricoles en activité dans une exploitation bananière entre 1973 et 1993 en Guadeloupe et Martinique : 5 692 décès ont été dénombrés sur la période 1973-2013. Il s'agit des premiers résultats de l'étude de mortalité qui porte sur la période 2000-2015. Ces données préliminaires sont susceptibles d'être affinées, notamment avec des données antérieures à 2000. L'analyse de la cohorte se poursuit, dans le cadre du programme Matphyto, que vous connaissez, pour étudier l'exposition, en croisant les données de mortalité avec les données d'exposition du chlordécone, afin de définir des scores d'exposition à la mortalité en fonction du degré d'exposition. Ce travail est en cours et devrait être terminé l'année prochaine.

Une étude de morbidité doit débuter dès l'année prochaine, grâce à l'utilisation des informations des registres des cancers et à leur croisement avec les bases de données médico-administratives, pour identifier les excès de risques de certaines pathologies chroniques – les pathologies neurodégénératives et les cancers.

Le deuxième axe, monsieur le président, la réduction des expositions…

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