Intervention de Jérôme Salomon

Réunion du jeudi 11 juillet 2019 à 15h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Jérôme Salomon :

J'essaierai ! C'est le lien causal qui est difficile à établir.

Des personnes fortement exposées au chlordécone développent des cancers de la prostate, mais c'est aussi le cas de personnes qui n'y sont pas exposées, et d'Antillais ne vivant pas aux Antilles.

Les propos que je vais vous tenir peuvent choquer, ce sont ceux d'un épidémiologiste et je les prononce naturellement en toute bienveillance. La seule façon que nous aurions de démontrer définitivement le lien causal serait de comparer des populations exposées au chlordécone à des populations exactement identiques qui n'y sont pas exposées. Cela imposerait de suivre une cohorte pendant vingt ans, dont une partie ne serait pas du tout en contact avec le chlordécone, tandis que l'autre partie devrait en consommer. Ce serait très choquant et éthiquement inacceptable, mais pour un épidémiologiste, c'est la manière d'apporter la preuve du lien causal.

C'est ce qui a été fait il y a des dizaines d'années pour lutter contre un lobby extrêmement puissant, celui du tabac, qui affirmait que le tabac ne provoquait pas le cancer du poumon. La cohorte de Framingham, au sein de laquelle certains fumaient et d'autres non, a été suivie pendant des années, et il est apparu que le nombre de cancers du poumon était bien plus élevé parmi les fumeurs. Le lien était démontré, et ce fut le début des campagnes de santé publique contre le tabac. C'est dur, c'est violent, certains se battaient pour dire que le tabagisme n'avait pas de conséquences.

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