Intervention de éric Godard

Réunion du mercredi 25 septembre 2019 à 14h15
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

éric Godard, ancien délégué interministériel chlordécone en Martinique :

Je crois qu'il ne faut pas, monsieur le président, mélanger les deux époques. Celle allant de 1993 à 1999 a pris fin par une prise de conscience provoquée par le rapport de MM. Balland, Mestres et Fagot en 1998, puis par la mise en évidence du problème dans les eaux en 1999.

La deuxième a été marquée en 2002 par la mise en évidence d'un problème plus général dans les sols comme dans les milieux aquatiques, puisqu'en novembre de cette même année, j'ai présenté au GREPHY, le Groupe régional phytosanitaire, l'état des organismes vivant au sein de ces milieux. Peu après a été pris le premier arrêté de fermeture d'un établissement piscicole, la station Mangatal au Lorrain.

On a ensuite attendu 2008 pour intervenir à nouveau dans le domaine piscicole, ce qui était lié au changement de norme, de 200 microgrammes à 20 microgrammes. Entre-temps, la région avait poussé au développement de la pisciculture, sans forcément tenir compte du problème du chlordécone, contrairement à ce que j'avais préconisé.

Certains ont par conséquent qualifié cette période 1993-1998 de période d'omertà et de négligence en raison de la non-prise en compte des alertes, notamment de celles lancées en 1993 et ultérieurement. Certes on a ensuite, c'est-à-dire à partir de 1999 et jusqu'en 2002, perdu un peu de temps, notamment parce que le fait d'avoir dit qu'il fallait s'intéresser à l'alimentation a conduit la direction des affaires sanitaires et sociales à être à la manoeuvre. Celle-ci a alors dû solliciter des crédits auprès de la direction générale de la santé, alors que d'autres services auraient dû s'en occuper, dans la mesure où cela entrait davantage dans le cadre de leurs compétences.

À partir du moment où cela a été fait, tout un processus a été enclenché, et ce bien avant 2008, c'est-à-dire avant les travaux de Dominique Belpomme, Louis Boutrin et Raphaël Confiant, en vue de réduire l'exposition par les racines, puisque les mesures idoines ont été prises dès mars 2003 en Martinique et dès octobre 2003 en Guadeloupe, avec certes un petit délai de mise en place. Celle-ci a été progressive : je pense aux arrêtés préfectoraux ne rendant possible la mise en culture des onze plantes les plus sensibles au chlordécone qu'après analyse des sols concernés.

Ce travail a donc bien été mené, comme les évaluations de risque par les agences sanitaires qui ont conduit à la fixation des valeurs toxicologiques de référence, sur la base des études ESCAL (Étude sur la santé et les comportements alimentaires en Martinique) et CALBAS (Consommations alimentaires en Basse-Terre), ainsi que de valeurs limites provisoires avant les travaux que je viens de citer.

Il y a donc bien eu prise en compte du problème et mobilisation importante. La période suivante a peut-être été marquée par le sentiment qu'on l'avait traité, notamment en raison de l'existence de normes acceptables et du système de contrôle préalable des sols à planter. On s'est peut-être, alors, un peu endormi. Or dans ce genre de crise de santé publique, on n'agit que sous la pression, qu'elle soit exercée par l'opinion, par la presse ou par un lanceur d'alerte.

Un pas a été franchi lorsque le premier plan chlordécone a été mis en place, puisque les moyens qui lui ont été consacrés ont été revus à la hausse, que l'on est allé plus loin en matière de contrôles, que l'on a abaissé la limite maximale de résidus, que l'on a pris pour principe – ce qui a ensuite été un peu perdu de vue avec la LMR sur les viandes, et là il faudrait effectivement en trouver les raisons – de réduire le plus possible l'exposition au produit. On a donc connu des périodes de grande activité, d'efficacité et de cohésion de l'administration, comme lors de l'exécution du premier plan au cours duquel un travail de mutualisation des ressources a été accompli et une dynamique s'est mise en place.

Cette dernière s'est ensuite un peu ralentie, peut-être du fait de la lassitude ou de l'attitude consistant, lorsque l'on a réglé un problème, à vouloir tourner la page et à passer à autre chose, sans forcément prendre en compte que ce problème perdurera en fait pendant des générations et qu'il faudra continuer à le traiter.

Je ne suis donc pas d'accord pour dire que l'on n'a rien fait entre 1999 et le premier plan chlordécone : c'est une légende. Ce n'est pas exact. J'ai d'ailleurs sur ce point toujours défendu tout ce qui avait été fait à l'époque.

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